Manger le monde

Manger le monde

19 juillet 2022 Non Par Paul Rassat

Conscient depuis Pascal, au moins, de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, l’homme a peur de se perdre entre les deux. Il n’accepte pas ses limites. Grenouille de La Fontaine, il enfle pour devenir bœuf. Il enfle son ego, enfle et multiplie son image. Il dévore le monde en foodporn jusqu’à l’indigestion puis se fait vomir et recommence après s’être sorti les doigts…de la bouche. Tentant comme Tentale de manger le monde.

Faire sien pour manger le monde

L’homme contemporain doit faire sien. Il s’approprie, s’empare de, s’accapare. Il ingère le monde en voyages, en images, en infos, en continu. Comme il n’a pas le temps de digérer, ce qu’il ingère fait bouchon dans ses neurones. C’est alors la constipation réactionnaire ou la diarrhée ultra libérale. Il paraît que nos intestins sont notre deuxième cerveau, justifiant ainsi la formule « Parle à mon cul, ma tête est malade ».

Auto centrage

L’homme prend. Il prend plaisir au lieu de l’éprouver ou de le partager. Il prend une médaille au lieu de la remporter. Son pied, celui de l’autre. Il a envie. Il a hâte. L’homme vit sans complément. Envie de quoi ? Hâte de quoi ? On s’en tape. Il vit sans complément sinon alimentaire et bouffe doublement, en mangent et en enflant, ego compris.

«  Je suis le monde »

Je suis, ou plutôt mon image est, le monde ! Si l’homme n’a pas créé Dieu à son image, il façonne le monde à son image pour ne plus sortir de celle-ci. Il vit entre soi et elle, qui finit par remplacer son moi. «  Je me vois, le monde existe ! »

Connecting

Pour mieux être le monde, je cause globish. Je babélise. Grâce à internouillette, je connecte le monde à moi, et non l’inverse. Je m’approprie, je m’empare, je m’accapare. Je prends le monde par tous les bouts. J’inverse la relation. En gastronomie, c’est le plat qui, extension de moi-même, devient gourmand. Et c’est ainsi que je mange le monde.