60° anniversaire du Festival du Cinéma d’Animation d’Annecy

60° anniversaire du Festival du Cinéma d’Animation d’Annecy

23 mai 2021 Non Par Paul Rassat

Le 60° anniversaire du Festival

Ce sera le 60° anniversaire du Festival du Cinéma d’Animation ? La 60 ° édition ?

Le 60 ° anniversaire. Nous étions en biennale jusqu’en 97 avant de passer en annuel. Le nombre d’éditions est une colle ! Les premières éditions se tiennent en 60 et en 62. On bascule ensuite sur les années impaires. Nous en sommes en gros à 45 éditions. Le 60° anniversaire tombait d’ailleurs en 2020. Nous avons décidé de décaler d’un an puisque l’édition de l’an dernier s’est tenue en ligne.

Les bienfaits des contraintes

Il faut s’adapter. Qu’avez-vous retenu de la dernière édition ? Malgré tout.

Nous avons décidé au mois de mars de basculer en une manifestation en ligne. Aussi bien pour le Festival que pour le marché de l’animation. Malgré ça, le succès est allé au-delà de nos attentes. Le nombre d’accrédités a été doublé. Je pensais que le nombre de trois mille accrédités en ligne serait satisfaisant. Nous en avons eu quinze mille trois cents. Nous pensions depuis quelques années à proposer quelque chose de complémentaire en ligne. Il se trouve que nous avons été forcés de le faire pour l’ensemble de la manifestation. Quand nous reviendrons en présentiel, l’offre en ligne sera toujours proposée. Pas les longs métrages afin de ne pas faire de concurrence aux salles de projection. Cependant cette offre  permettra de prolonger l’événement lui-même dans le temps. Cette année, l’édition sera hybride, à la fois en ligne et en présentiel. Il est tout naturel de prolonger la proposition en ligne. Ceux qui n’auront pas pu voir une partie des films pourront se rattraper de façon décalée. Nous prolongeons la plage d’existence du Festival pendant un temps donné afin de respecter les droits liés aux films.

Dominique Puthod

De nouvelles perspectives

Puisque nous parlons de prolonger, l’édition de décembre va être encore plus attendue.

Nous pensions nous rattraper l’an dernier en décembre. Ça n’a pas été possible. Cette session hivernale va nous permettre de toucher davantage le public local, de créer un trait d’union. Nous souhaitons créer autour d’Annecy une communauté de passionnés de cinéma d’animation. Ils pourront se retrouver au Haras quand CITIA y sera installée ainsi qu’une salle de projection. Nous pourrons alors proposer des rencontres tout au long de l’année avec des réalisateurs, pour des avant-premières.

S’ancrer davantage encore

Prolonger  ainsi le Festival, c’est aussi rappeler qu’il n’est pas hors-sol et qu’il fait vivre des filières professionnelles sur place. Il y a déjà une forme de communauté.

Il y a comme une sorte de paradoxe dans tout ça. Au départ  ce sont les journées du Ciné Club qui font venir les Journées du Cinéma à Annecy dans le but de créer localement une manifestation d’importance. Le public était composé essentiellement des grands maîtres du cinéma d’animation, des grands artistes de l’époque et du public local. Dans les années 80 le Marché du Film, la création de la filière française de l’animation permettent de passer de l’artisanat à une dimension plus professionnelle. Peu à peu la place laissée au public local diminue. Le public professionnel prend le pas sur lui. Nous souhaitons évidemment garder cette communauté professionnelle qui enrichit notre image internationale. Nous voulons aussi créer cette communauté locale pour faire vivre tout le long de l’année le cinéma d’animation et y former le public.

Un coup d’œil rétrospectif

Dans l’histoire du Festival, les années 81/82 sont un moment important. Après deux éditions à Cannes, en 56 et 58, à partir des années 60, la manifestation a lieu à Annecy, mais elle est pensée à Paris. Les organisateurs des Journées du Cinéma sont à Paris. Ils conçoivent le Festival et le Ciné Club fournit les « petites mains » qui l’organisent à Annecy. Au milieu des années 70 des critiques des réalisateurs internationaux et des Annéciens sont adressées essentiellement à Raymond Maillet, le directeur artistique de l’époque. Elles dénoncent le manque d’actions culturelles locales. Le Festival est plaqué une fois par an. En 81, Annecy prend le pouvoir, le directeur est à Annecy. La sélection jusque-là trop franco-française s’ouvre à l’international. Le nouveau directeur, Pierre Jacquier, est sociologue. Il considère que la culture doit partir du territoire local. La gauche au pouvoir, la décentralisation font qu’Annecy devient l’organisateur de l’événement. Au fil du temps, le succès a fait qu’on a un peu perdu ce volet local que nous souhaitons retrouver.

Les phases « critiques » qui ont marqué une évolution

Vous renouez avec la grande aventure culturelle de l’après-guerre, avec l’esprit de Peuple et Culture. Il a été porté par des gens venus d’autres régions, comme Gabriel Monnet, Paul Thisse. La situation actuelle vous a poussés à vous réorganiser. Il faut de temps à autre un renouvellement, une réaction.

Quand j’ai écrit mon ouvrage sur l’histoire du Festival, j’ai pris l’angle d’un spécialiste de la stratégie d’entreprise Je n’ai pas regardé les films primés mais la façon dont s’est développé l’événement, sa relation avec le public local, avec le public international. Ses hauts et ses bas. J’ai identifié des périodes critiques qui ont amené l’événement à se réinventer. Il y a eu 68. Le Festival est encore en biennale. Il s’arrête quatre ans, de 67 à 71. Il y a 81, dont j’ai déjà évoqué certaines causes. S’y ajoutent des débats sur l’utilisation de l’ordinateur, la place des longs métrages…En 82, le maître-mot est « ouverture » aux différents genres, aux différents styles, au monde professionnel. Le Marché du Film arrive en 85. On annualise en 97. Ce qui permet de se renforcer par rapport à la concurrence, d’avoir une équipe plus stable et solide. La dernière phase est la crise du COVID qui a paradoxalement marqué une forte progression de l’événement.

L’Édition de 2021 

Cette année, nous sommes plus modestes. Le plus important est la réouverture. Le développement reprendra. Puisque nous avons mis le Festival sur une plate forme, il est envisageable de profiter d’une plate forme du type Netflix pour porter le cinéma d’animation.

Quand Annecy s’appropriait son Festival du Cinéma d’Animation

Annecy a des liens avec d’autres manifestations, plus particulièrement avec les USA.

La relation avec les USA est intéressante. En 2000, Serge Bromberg est délégué artistique du Festival dont on fête le 40° anniversaire. Nous invitons Roy Disney, le neveu de Walt Disney. Roy vient avec un aréopage d’animateurs devenus célèbres. Aussi bien des Français travaillant aux USA comme les frères Brizzi que des Américains comme John Lasseter, fondateur des studios Pixar. Certains Annéciens réagissent et nous disent qu’Annecy a été créé contre Disney. Nous n’avons rien compris ! Ni moi, ni l’équipe ne connaissions l’histoire du Festival. Avec la rupture de 81, les archives historiques d’Annecy sont restées à l’Association Française du Cinéma d’Animation, à Paris. Le directeur de l’époque garde les archives, certains films. Un schisme s’installe entre les milieux parisiens et Annecy.

Un événement conçu au départ contre l’esthétique Disney

Finalement, on peut dire que les années 80 sont boostées parce que nous sommes repartis de rien. Nous ne savions pas que le Festival avait été créé pour montrer que d’autres esthétiques sont possibles hors celle de Disney qui domine le monde. Un cinéma indépendant existe aux USA. Des Européens sont de grands artistes. Si nous avions connu toute cette histoire, nous aurions peut-être été plus timorés.

L’annualisation du Festival

J’arrive au conseil d’administration en 97. Nicole Salomon connaît toute l’histoire du Festival. Elle rappelle qu’il avait obtenu de s’organiser les années impaires afin de ne pas concurrencer d’autres festivals qui pourraient bénéficier des années paires. L’annualisation rompait le pacte construit avec Charles Bosson dans les années 60. Notre méconnaissance de l’histoire du Festival nous a parfois facilité la tache pour l’orienter sur une voie plus efficace. Des manifestations concurrentes apparaissent, la télévision développe son marché, l’annualisation était indispensable.

Aujourd’hui, le Festival d’Annecy ne compte plus de concurrents directs…

Mais il ne faut pas vous endormir.

Je n’ai pas l’impression que nous nous endormons. D’ailleurs c’est parfois dans la controverse qu’on avance. Ce que j’appelle les moments critiques qui font rebondir la manifestation.

[La discussion continue. Il sera question cette année de L’Afrique. À découvrir pendant le Festival. Du rôle important tenu par Nicole Salomon qui, grâce à ses réseaux, a pallié le manque d’archives.]