Le désaccord du participe passé         

 Le désaccord du participe passé         

26 octobre 2023 Non Par Paul Rassat

Il y a désaccord sur l’accord du participe passé !  C’est ce qui ressortait ce matin sur les zondes de la radio des propos de Julie Neveux, linguiste. Elle a cosigné une pétition demandant une réforme de l’orthographe française. Pétition que soutient Talpa, qui a déjà écrit sur le sujet. Mais, selon Julie Neveux «  L’accord du participe passé ne sert pas à grand-chose ». Il serait une exception importée d’Italie par Clément Marot. Autant l’orthographe d’usage doit être radicalement simplifiée, soutient Talpa, autant l’orthographe grammaticale doit demeurer pertinente. Mais là n’est pas le fond du débat.

Joindre l’outil à l’agréable

Jean Yanne soutenait l’intérêt de joindre «  l’outil à l’agréable ». Mais Julie Neveux dénonce l’inutilité de certaines complications orthographiques. Si celles-ci doivent être dénoncées, ce n’est sans doute pas au nom de leur inutilité ! Souvenir de ces collègues de Lettres Classiques venant racoler pour leurs classes de latin. L’argument principal ? Le latin est utile pour comprendre la grammaire française ! La porte refermée sur la collègue, je m’empressais de dire que le latin ne sert à rien. D’où son précieux intérêt comme pure gymnastique de l’esprit.

Se réduire à l’utile !

Usage, utile, utiliser viennent du verbe latin uti, se servir de, employer. À vouloir réduire notre fonctionnement à l’utile, nous nous réduisons à un rôle utilitaire. Nous devenons des ustensiles interchangeables car nous jouons les utilités.

Vive l’orthographe !

Quel bel appas que la pie n’happa pas. Marina Yaguello                                                                                               

L’orthographe n’est intéressante et pertinente que quand elle fait sens. Ici ou là ont fleuri et continuent d’être des événements ces dictées publiques dont les psy devraient nous donner la véritable signification. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ont publié un livre, « La faute de l’orthographe », tiré de la pièce « La convivialité ». À lire.

Justifier les aberrations

Histoire, finesse de la langue, esthétique, sens de l’exigence et de l’effort…tout est bon pour justifier les absurdités de notre orthographe française et sa complexité qui en font un instrument de pouvoir et de soumission plus qu’un outil de la connaissance.

Alors que dans certaines langues ne se prononce que ce qui s’écrit, le son /s/ peut être représenté en français de 12 manières différentes, alors que la lettre s peut se prononcer de 3 manière différentes. C’est ce que l’on apprend en lisant La faute de l’orthographe.

Citations éclairées

Nos penseurs contemporains font l’éloge de cet assemblage anarchique que l’on nous présente comme un exemple de rigueur :

C’est vraiment changer la langue en effaçant les traces….c’est encore une fois une émeute des vivants contre les morts.

                                                                                Alain Finkielkraut

La réforme de l’orthographe, c’est la diminution du langage. Il y avait ce projet de réforme débile. Fallait-il être inculte pour promouvoir une telle initiative.

                                                                                 Raphaël Enthoven

On ne facilitera pas le travail des enseignants….en introduisant dans les esprits des élèves l’idée que ces règles qu’ils essaient de transmettre sont discutables.

                                                                                  François Bayrou

Et vous vous souciâtes même de l’accent circonflexe, virgule…ET VOUS VOUS SOUCIÂTES MÊME DE L’ACCENT CIRCONFLEXE !

                                                                                   Bernard Pivot

Alors que leurs prédécesseurs !

L’orthographe de la plupart des livres français est ridicule…L’habitude seule peut en supporter l’incongruité.

                                                                                  Voltaire, Dictionnaire philosophique1764

L’orthographe, divinité…des sots.

                                                                                   Stendhal, lettre à Pauline, 1804.

Epargnons ce temps si précieux qu’on dépense trop souvent dans les vétilles de l’orthographe, dans les règles de la dictée qui font de cet exercice une manière de tour de force et une espèce de casse-tête chinois

                                                                  Jules Ferry, Discours au Congrès pédagogique, 1880

Du vair au verre

 Si l’orthographe est liée à l’histoire de la langue et que toute histoire évolue, pourquoi figerait-on l’orthographe ? demandait Nina Catach, spécialiste de cette question. Nous avons bien accepté que la fameuse chaussure de vair de Cendrillon se transforme en chaussure de verre sous l’effet non pas d’une baguette magique mais de l’ignorance ; de même qu’un remède de bonne fame est devenu un remède de bonne femme.

En faisant l’économie d’efforts inutiles, on pourra se concentrer sur ce qui fait sens :

La couturière parle et coud.

Le boxeur pare les coups.

Le bijoutier pare les cous.

 Plumons l’oiseau. Hervé Bazin

Etonnamment monotone et lasse

Est ton âme en mon automne, hélas ! Louise de Vilmorin

Déguisés en peaux rouges, les enfants jouent entre les grands pots rouges du jardin.  Boris Vian

Quel bel appas

Que la pie n’happa pas.  Marina Yaguello

Faire de l’usage

Les linguistes pencheraient davantage pour l’usage que pour la norme. Sur les zondes, Julie Neveux parlait même de « norme normée ». Et d’appuyer son propos avec cette formulation très dans l’usage du temps «  L’histoire du français, c’est quoi ? » Pratique de maraud, va ! Soyons cléments avec l’orthographe.

PS

Le même jour, sur les mêmes zondes, Éric Ciotti proposait que l’État n’aide que  » les associations qui font un travail utilitaire. » Et par utilitaire M. Ciotti entendait  » les associations qui n’attaquent pas l’État. » Il évoquait le problème des migrants. Il semblerait que cette vision clanique de la politique soit déjà souvent mise en œuvre, et qu’un basculement politique à l’extrême puisse la systématiser. Si l’on réduisait notre monde à ce qui est utile, aurions-nous besoin de linguistes et de certins élus?