Planète(s) Decouflé
23 mai 2024Le CNCS de Moulins propose Planète(s) Decouflé du 25 mai 2024 au 05 janvier 2025. Philippe Noisette, commissaire de l’exposition, en donne l’esprit.
Philippe Noisette, Planète(s) Decouflé est la deuxième exposition que vous réalisez en tant que commissaire pour le CNCS de Moulins. La première était Les couturiers de la danse, en 2020.
Chaque exposition prend beaucoup de temps. J’ai d’autres activités comme journaliste, l’écriture de livres, des spectacles. Je porte le projet Planète(s )Decouflé depuis plus d’un an.
À cette occasion vous inventez le soleil avec douze planètes !
On espère apporter du soleil, et il y aura quelques turbulences météorologiques ! (rires). Comme il sera question des Jeux Olympiques d’hiver, on va passer du soleil d’été débutant en ce mois de mai à d’autres références. Les Planètes nous permettent de passer de Decouflé aux créateurs de costumes qui travaillent autour de lui, Philippe Guillotel, Laurence Chalou, Jean Malo et Charlie Le Mindu. Ce sont des planètes que l’on va démultiplier tout au long de l’exposition. Certaines sont réunies, d’autres se répondent.
Interactions
J’imagine que les interactions jouent un rôle important.
Les interactions, on les rêve mais on ne sait pas si ça fonctionne vraiment. Comme nous sommes en plein montage, l’épreuve du réel nous montre si ce que nous avions imaginé fonctionne. C’est le cas ! Puisque Philippe Decouflé est un complice, il intervient à ce titre : il avait demandé que la Planète Noir et Blanc se trouve en face de la Planète Ombre. Les deux vitrines se répondent, aucune ne prend le pas sur l’autre.
Pour cette exposition Decouflé, nous avons pu bénéficier d’une banque d’images prises par Philippe lui-même, des images originales, des courts métrages… Nous les intégrons dans certains cas aux salles, aux vitrines. La salle Ombre propose des images en captation du spectacle Solo. Philippe est seul en scène. Le costume n’y est pas primordial mais il joue avec les ombres, ce qui permet d’avoir des ombres de costumes et des ombres filmées, ainsi que d’autres essais. Dans la vitrine, les costumes sont éclairés d’une certaine façon, un effet d’ombre avec un costume que l’on ne voit pas mais qui est éclairé par l’arrière, et un film. Beaucoup de choses dans une vitrine pour intégrer des images quand c’est possible ; sinon, de façon plus traditionnelle, des écrans sont disposés à l’extérieur des salles. Je parle d’exposition augmentée avec du son, des images, des dessins de Philippe Decouflé, environ cent trente costumes.
Photos de l’article © Laurent Philippe ou CNCS
Mouvement
Vous avez répondu à mes questions par avance : je comptais vous demander comment faire entrer Decouflé dans le cadre et comment rendre le mouvement. Ce sont des questions que vous abordiez lors du Grand Format que Bonlieu / Annecy a consacré à Philippe Decouflé.
Tout à fait. Il fallait absolument rendre ceci puisque Decouflé, par sa formation, le mime, le cirque, la Nouvelle Vague de danse des années 80 interdisait de rester figé. L’une de nos premières idées, ce sont les images que l’on voit dans les salles. Les costumes semblent rebondir sur les films ou les fims sur les costumes. On a parfois des projections sur les costumes eux-mêmes. Nous reprenons le principe de Tricodex que Philippe avait réalisé pour le ballet de l’opéra de Lyon. L’une des scènes y montre des costumes zébrés, avec des palmes. Pendant le spectacle étaient projetés de petits films expérimentaux, comme scratchés. Le principe est repris à Moulins pour donner une impression de mouvement. Les réglages que nous faisons permettent d’arriver à un résultat dans lequel la technique reste au service de la magie.
Vitrophanie
Marco Mencacci a eu l’idée d’ajouter la vitrophanie à la scénographie. Ce sont des films transparents qui habillent les vitrines sans les occulter. Le résultat oblige le spectateur à avoir deux visions. La première en découvrant la salle, la seconde en s’approchant : on voit les costumes autrement. Lorsque vous faites un mouvement, les costumes le font avec vous. Vous êtes ainsi attiré par la vitrine.
Expérimenter
Vous expérimentez.
Dans l’esprit de Philippe Decouflé, quelqu’un qui expérimente en permanence. En replongeant dans les films, dans les costumes des années 80/90, j’ai vu à quel point il était vraiment en avance sur certains sujets, notamment sur l’idée du mouvement déconstruit, reconstruit, du mouvement cinématographique. Alwin Nikolaïs travaillait lui aussi cet axe, mais Philippe était le seul en France. Il était un pionnier.
La mise en lumière
Le travail sur la lumière permet lui aussi de mettre en mouvement. C’est Valérie Bodier, comme pour Les couturiers de la danse, qui met l’exposition en lumières. Elle éclaire des spectacles, des défilés de mode, les vitrines de grands magasins. Valérie a cet art de la lumière qui donne une épaisseur aux costumes. Son approche véritablement artistique participe pleinement à l’idée que je me faisais de l’exposition.
Nous parlions d’expérimentation. Il y a une part de hasard, une part de chance. Le tout nécessite des réglages permanents. Dans la dernière salle, qui sera consacrée aux Jeux Olympiques, les costumes seront au sol ou bien suspendus avec un effet à découvrir sur place.
Découvertes, redécouvertes
D’une certaine façon, vous êtes un peu chorégraphe.
J’aimerais l’être. L’équipe et moi essayons simplement d’être fidèles à l’esprit de Philippe Decouflé. Bien que monographique, l’exposition offre toute la palette du travail de Decouflé. La salle Matière montre, par exemple, le travail de la soie, du papier, des fils, des ficelles. Ce thème n’était pas évident au départ.
Votre travail fait émerger de nouvelles choses.
Je les découvre, oui, et j’espère que Philippe Decouflé en découvrira lui aussi. Je ne suis pas chorégraphe, l’idéal serait de provoquer des surprises, y compris chez le chorégraphes et les costumiers lorsqu’ils découvriront l’exposition. Soit ils découvriront des choses qu’ils avaient oubliées, soit ils pourront y porter un autre regard.
C’est le signe que votre travail fonctionne.
Oui, au risque de ne pas plaire, mais en espérant le contraire.
Une exposition qui chante !
Vous poussez votre approche jusqu’à écrire Vivaldi(s). Avec un S.
Il est intéressant que les gens s’interrogent, se demandent s’il y a une erreur. En réalité les Vivaldis est une petite scène d’un spectacle nommé Courtepointe. Philippe en a fait un autre spectacle avec des costumes de Laurence Chalou, des espèces de combinaisons intégrales incroyablement réussies.
Vous inventez des planètes à notre soleil, vous inventez des saisons !
On est plutôt sur cinq saisons, effectivement ! ( rires). Avec une saison qui n’existe pas encore.
C’est ce qui fait chanter une exposition, cette dimension supplémentaire.
Vous parlez de chant, il y a beaucoup de musique. Vivaldi, évidemment, mais on oublie que Philippe Decouflé a passé des commandes pour presque tous ses spectacles. À Joseph Racaille, Claire Diterzi, et d’autres, Martin Meissonnier. Toutes ces musiques parcourent l’exposition. Dans la salle des Jeux Olympiques on a des musiques que toute l’équipe de Philippe a recherchées, oubliées, rares, inédites. L’auditorium de CNCS propose en boucle une heure et demie de courts métrages, avec les pubs à la réalisation desquelles Philippe avait participé .
Decouflé démultiplié
Ceux qui ne connaissent pas Decouflé vont découvrir beaucoup de choses. Les amateurs vont retrouver de grands moments. Entre les deux on pourra naviguer entre les costumes, s’asseoir, écouter les musiques dans de bonnes conditions de confort.
La conversation, passionnée,envisage, pourquoi pas ?, une prochaine exposition, dans quelques années : l’exposition des refusés, comme ces costumes dont l’état s’est dégradé mais qui mériteraient d’être montrés, portés même pour un spectacle d’humour, de fantaisie comme les aime Philippe Decouflé.