Le gâteau était sec, sec, sec

Le gâteau était sec, sec, sec

29 juin 2024 Non Par Paul Rassat

Drôle de gâteau ! Enflé d’un côté à ne plus pouvoir entrer dans aucun plat. Racorni, sec, sec, sec de l’autre. Comment en était-on arrivé là ? Les plus démunis se partageaient les miettes pendant que certains souffraient de cholestérol et de diabète. Les seconds enflaient, enflaient, enflaient pendant que les premiers dépérissaient, dépérissaient, dépérissaient. On ne savait plus très bien où l’on en était. C’était la crise sur le gâteau.

L’origine de la crise

La crise ? Quand était-elle née ? En 1929, lorsque l’on brûlait du café dans les locomotives ? Avec les causes qui menèrent à la deuxième guerre mondiale. La crise semble être là depuis toujours, comme un monstre tapi dans l’ombre qui attend la première occasion pour surgir. Quand on le voit, il est trop tard. Le premier choc pétrolier, dans les années 70 ? La crise des subprimes en 2007 / 2008 ? Les conflits, les guerres ? L’origine de toutes ces crises ne serait-elle pas notre fonctionnement politique et économique ? Chaque secousse du monstre crée des chocs d’où naissent déséquilibres et nouveaux «  équilibres ». On dit alors que c’est la loi du marché, la main invisible du marché. Et pendant ce temps le gâteau enfle d’un côté, rétrécit de l’autre.

Immangeable

Pour beaucoup, les miettes du gâteau deviennent immangeables. Trop sèches, elles raclent le fond de la gorge, l’irritent en fines particules qui remontent dans le nez et font éternuer. On en est contraint à recracher ce gâteau si peu nourrissant dont la recette et les proportions sont trafiquées. Les autres s’empiffrent, se goinfrent. On en arrive au point où « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ? » Ceux qui souffrent de ce gâteau sec, sec, sec seraient prêts à essayer n’importe quelle recette.

Les grenouilles qui demandent un roi

Voici, pour conclure, la fable de La Fontaine :

Les Grenouilles, se lassant
De l’état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un Roi tout pacifique :
Ce Roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
           Que la gent marécageuse,
           Gent fort sotte et fort peureuse,
           S’alla cacher sous les eaux,
           Dans les joncs, dans les roseaux,
           Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu’elles croyaient être un géant nouveau.
           Or c’était un Soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
           Qui, de le voir s’aventurant,
           Osa bien quitter sa tanière.
           Elle approcha, mais en tremblant.
Une autre la suivit, une autre en fit autant :
           Il en vint une fourmilière ;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
      Jusqu’à sauter sur l’épaule du Roi.
Le bon sire le souffre et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue :
« Donnez-nous, dit ce peuple, un Roi qui se remue ! »
Le Monarque des Dieux leur envoie une Grue,
           Qui les croque, qui les tue,
           Qui les gobe à son plaisir ;
           Et Grenouilles de se plaindre,
Et Jupin de leur dire : « Eh quoi ! votre désir
       À ses lois croit-il nous astreindre ?
       Vous avez dû premièrement
       Garder votre gouvernement ;
Mais ne l’ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier Roi fut débonnaire et doux :
           De celui-ci contentez-vous,
           De peur d’en rencontrer un pire. 

Chacun en tirera la conclusion qu’il voudra.