Creuser la terre #2. Exposition
27 septembre 2024Creuser la terre#2, exposition de Florence Bruyas à la galerie Art Now Projects de Carouge jusqu’au 26 octobre 2024.
Entretien avec Jimmy.
— Le déclencheur, pour Florence Bruyas a été l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle s’est rendu compte que la guerre de tranchées, qu’on pensait totalement dépassée est encore d’actualité. Creuser un trou et s’y cacher, dans un réflexe très animal et primaire est encore largement présent. La terre est le lieu où se terrer. Florence remet en avant la pelle comme outil de soldat. Elle faisait partie du nécessaire du fantassin. Pendant la guerre de 14/18, chaque soldat avait à son ceinturon une encoche spéciale pour accrocher une pelle.
Florence revoit son histoire personnelle à l’occasion de cette exposition. L’un de ses arrière-grands- pères est mort au combat en 1915. Elle lui rend hommage avec un monument recouvert d’une carte d’état-major. Il lui est dédié personnellement parce que son corps de trouve dans un ossuaire mais dans une vision plus large, plus humaniste, cette réalisation artistique est dédiée au soldat inconnu. La figure du soldat inconnu obsède Florence. Elle voudrait que chaque soldat inconnu soit reconnu, remercié et que chacun ait sa sépulture. En rendant hommage à Jacques Montagne, elle réalise une sépulture pour que tous les soldats ne sombrent pas dans l’oubli. Ce sont des êtres humains avant d’être de la chair à canon.
La terre en élévation est une idée remarquable.
C’est la terre du champ de bataille de son arrière-grand-père. Florence creuse la terre, creuse la mémoire et les archives. Avec la disposition de ces panneaux, l’artiste permet de montrer la vue que les soldats avaient depuis les tranchées. On connaît beaucoup de choses de leurs épouvantables conditions de vie, mais on n’avait encore pas tenté de reconstituer le regard qu’il avaient depuis leurs refuges.
Florence a eu un coup de foudre pour la céramique. Elle tente de la dépasser, elle joue avec elle, expérimente de nouvelles techniques. Ses pelles sont un rappel des ready-maid mais c’est bien plus complexe que ça ne paraît. La pelle est en céramique, la motte qui est posée dessus est en terre mélangée de grès. Vulgairement, c’est de la boue.
C’est un hommage à la terre présentée sous diverses compositions, sous différents aspects.
Il y a une très large déclinaison dans le travail de Florence autour des techniques, de la céramique pour montrer la réalité de la guerre. Elle a creusé les archives ; elle creuse tout le temps, se pose beaucoup de questions…
À vous de creuser à votre tour en visitant l’exposition : les bras de chemises, les assiettes façon 19 ème siècle, le détournement des décorations dont la disposition évoque la poitrine d’un général soviétique, les lacrymatoires. Le voyage est simple, émouvant, l’art y trouve sa place véritable en résonance avec l’humain, l’humus. La terre mère.