Azur Asphalte

Azur Asphalte

7 octobre 2024 0 Par Paul Rassat

Sylvain Bordesoules a le don de transformer en poésie la mélasse de la vie. Azur Asphalte succède à L’été des charognes. À propos de ce précédent album, Talpa écrivait : « Le travail de Sylvain Bordesoules  traduit cette nécessité de la vie au ras de la survie. Tout se joue en réactivité, dans l’instant. » L’été était adapté d’un roman, Azur Asphalte naît entièrement de l’esprit et de la main de Sylvain, la vérité est la même dans les deux albums.

C’est sans contestation possible que l’auteur ne nous raconte pas des histoires : il les vit, il est au cœur de son récit, de ses personnages qui demeurent des gens. Des gens qui se démènent pour continuer.

«  Ils font comment les gens ? »

«  En vrai c’est compliqué la vie dès que tu commences à y mettre des gens dedans. »

« Il y a toujours un petit moment où on se rend compte que la journée est terminée et que c’est bon…Les problèmes de demain sont pour demain. Et là, entre l’instant où on s’endort et le nouveau matin…on peut se poser et avoir l’impression d’exister…Après des fois, c’est bien aussi de pas avoir le temps d’exister. »

Vivre, survivre

Alors qu’on nous parle de la charge mentale des femmes, de celles en particulier qui élèvent seules leurs enfants, Sylvain nous la fait vivre. On plonge dedans grâce aux nombreux soliloques. En direct. Les relations entre les personnages apportent l’humanité nécessaire à leur survie. La relation via les écrans et les réseaux sociaux aussi. Même basique, elle apporte une forme de poésie, de fond partagé qui permet de surmonter la drague lourde, les accidents de la vie, la souffrance, l’incertitude, la vie subie que contrebalancent des plaisirs simples : la plage gratuite, le fastfood, le centre commercial présenté comme un musée ! La télé réalité n’a rien à envier à la vie des personnes que croque Sylvain, sinon que la seconde est scénarisée par les contraintes de la société.

La poésie de la vie journalière   

Le dessin et la couleur sont remarquables. Ils apportent la poésie qui anime chaque détail, chaque enchaînement, les angles choisis. La précision du détail est bien là, mais dépassée par l’énergie du trait, les touches de couleur. Chaque élément s’insère parfaitement dans l’ensemble en un équilibre toujours en recherche. Si les dialogues au couteau disent une parfaite objectivité, sans effet, l’ensemble chante grâce à la magie de Sylvain. Michel Vinaver disait : «  La vie journalière a toujours été pour moi sujet d’étonnement, et à partir de cela d’exploration. J’ai toujours voulu savoir ce que c’était que cette vie journalière. Quelle était sa part dans nos destins. » Il semble que Sylvain Bordesoules suive le même chemin. Entre Azur et Asphalte la vie continue.

Notes

On aurait naturellement tendance à écrire « Azur et Asphalte ». L’absence de ce et crée un précipité admirable. Un choc.

C’est chez BD Fugue Annecy que Talpa avait découvert et rencontré Sylvain qui dédicaçait L’été des charognes.