Revoir Comanche

Revoir Comanche

23 octobre 2024 0 Par Paul Rassat

Revoir Comanche ( éditions Le Lombard) de Romain Renard est une extraordinaire ballade noire. De ce noir étincelant, brillant qui éclate de lumière. À la manière de la neige qui brûle. Noir, nous apprend le dictionnaire, vient du latin «noir; sombre; funèbre, funeste; perfide» », et d’un mot grec signifiant «  bile noire ». « Noir c’est noir…il y a encore un espoir ! » Tellement de noir ne peut que maintenir un espoir !

Ballade

Qui dit ballade dit musique. Revoir Comanche est composée de quatre strophes qui s’ouvrent sur quelques paroles donnant le ton. D’abord Leonard Cohen avec The Hills. Joan Baez suit avec Diamond and rust. Vient alors Jim Morrison et An American Prayer. Bob Dylan clôt la ballade avec Rain’s A-Gonna Fall. Quatre actes et l’épilogue qui s’ouvre sur Ghosteen de Nick Cave & The Bad Seeds «  This world is beautiful… » On retrouve dans le grain du dessin le grain de voix de Leonard Cohen, l’élévation de Joan Baez, l’explosion de Jim Morrison…

Pour ajouter à la poésie

Ces références musicales, vous pouvez les écouter via un Code QR, adaptées par Romain Renard. Elles rythment l’histoire comme les images fascinantes qui font tourner les pages que l’on a cependant envie de contempler chacune longuement. Elles ont la magie des photographies que l’on développe dans son labo et qui semblent apparaître venant de nulle part. La magie aussi de l’outrenoir de Pierre Soulages. À cette poésie qui suinte de l’album, Romain Renard ajoute celle de Shakespeare.

 « Quand je serai mort, cessez de me pleurer aussitôt que le glas sinistre aura averti le monde que je me suis enfui de ce vil monde pour demeurer avec les vers les plus vils.

Non, si vous lisez ces lignes, ne vous souvenez pas de la main qui les a écrites, car je vous aime tant que je voudrais être oublié dans votre douce pensée, si cela doit vous attrister de penser alors à moi.

Oh ! je le répète, si vous jetez l’œil sur ces vers, quand peut-être je serai confondu avec l’argile, n’allez pas même redire mon pauvre nom : mais que votre amour pour moi finisse avec ma vie même ;

De peur que le monde sage, en regardant vos larmes, ne vous raille à mon sujet, quand je ne serai plus là. »       Sonnets de Shakespeare Traduction de Victor Hugo.

La narration ?

Elle plonge au plus profond de l’être humain, de la terre, associe le bien et le mal, la surface et les entrailles. Les circonstances font qu’elle se passe aux USA, à une époque précise, dans un contexte particulier…mais ce n’est pas le plus important.

Le noir, nous apprend le dictionnaire des symboles, se nomme sable dans le langage du blason. Le mariage du noir et du blanc engendre le gris moyen…qui est la valeur du centre, c’est-à-dire de l’homme…

Laissez chanter Revoir Comanche au fil des pages ; elles ne peuvent que susciter en vous un monde de poésie, d’illuminations à la fois sombres et scintillantes. Peut-être vous apercevrez-vous au loin, dans l’un des paysages qui viennent à nous et nous emportent avec eux. Cette œuvre est un diamant noir qui nous enfouit dans la noirceur et nous élève dans la lumière.

Et au milieu…

Impossible, en découvrant Revoir Comanche, de gommer le film Et au milieu coule une rivière. ( Lecture recommandée par BD Fugue Annecy).