Le Passage Catherine Meurisse
17 avril 2025 0 Par Paul RassatLe passage fut d’abord, au XII° siècle, un défilé dans la montagne. Il permet de passer d’un lieu à un autre, et il est aussi l’action de passer d’un lieu à un autre. Victorieux comme le passage des Alpes par Hannibal, de repli comme celui de la Bérézina. Décisif comme le Rubicon. Le passage est aussi cette allure qui donne l’impression que le cheval ne fait qu’effleurer le sol. Il est tout cela à la fois dans le livre de Catherine Meurisse qui rassemble les dessins de son exposition Le Passage présentée par la galerie Barbier en 2024.
La présence de l’absence
Lors d’une rencontre avec Catherine Meurisse, j’avais évoqué un dessin de La jeune femme et la mer. On y voit un paysage maritime sans personnage et je soulignais à quel point l’absence de personnage emplissait toute la page de la présence de celui-ci. L’auteure y est profondément présente sans besoin qu’elle apparaisse physiquement.


La même impression se dégage de ce Passage. L’absence de texte est particulièrement parlante. Elle ouvre le champ des interprétations, de l’imagination. Le lecteur plonge dans la mythologie poétique et humoristique : la louve se barre en abandonnant Romulus et Remus à l’Assistance publique. Les travaux d’Hercule / Catherine Meurisse remodèlent le monde de l’imagination. Le dessin de couverture, que l’on retrouve en double à l’intérieur du livre, donne une double lecture du double personnage qui est représenté : l’art et la mythologie sauvés par l’héroïne légèrement schizophrène, ou bien l’art miroir déformant d’une réalité que l’artiste tient à bout de bras, de crayon et de pinceau ? Allez savoir ! Tout se tient. Jusqu’à cette paire de fesses de passage sur l’eau d’un lac de montagne. Rêve, onirisme, poésie forment un autoportrait tendre, souriant de lui-même, amusé du monde.

Réunir
Traversée du temps, d’un escalier, du paysage, de soi, anachronisme, obstacles, tout est passage.
On notera que, des fesses apparaissant à deux reprises dans l’album, le dictionnaire nous apprend qu’elles sont : « chacune des deux éminences charnues formées de tissus musculo-adipeux situées au-dessous et en arrière de la crête iliaque. » Pas très poétique. Mais les fesses ont à voir avec la fente, la fissure. Les travaux de Catherine Meurisse visent à réunir tout ce qui semble séparé et fendu pour créer un univers où les Correspondances de Baudelaire trouveraient leur place. Ainsi qu’une invitation au voyage ( avec un chouïa de tendresse version Sempé?). On pourra aussi s’interroger sur le dessin de couverture : une Catherine Meurisse / Prométhée enchaîné(e) sauvée par l’art?