Théâtre vivant

Théâtre vivant

30 juin 2025 0 Par Paul Rassat

Conversation d’après représentation au Festival de Malaz. Hugo Roux passe la parole à Héléna et Jade. De l’échange émerge la notion de « théâtre à vivre ensemble ». Théâtre vivant.

Héléna jouait Penthésilée à la fin de la représentation et Jade est comédienne elle aussi, de la même promotion. Elle a assisté Hugo dans la mise en scène.

Hugo disait qu’il a très peu dirigé et que les acteurs en ont été un peu désemparés. Est-ce que c’est lié à votre jeune âge, à un manque d’expérience ou à l’approche de Hugo ?

Héléna — C’est la manière de travailler de Hugo, ne pas poser de décision radicale sur une forme de jeu mais de nous laisser avancer un peu. C’est déstabilisant au début parce que, en tant qu’actrice, tu as besoin de savoir si tout est ok.

Pour être rassurée ?

Peut-être, aussi. Mais on a compris , Hugo, que si ne nous disais rien, c’est que ça allait. S’il y a quelque chose à retravailler, tu nous le dirais. Au fur et à mesure du travail, c’est une forme de liberté de pouvoir créer son propre chemin à l’intérieur du personnage, et une autonomie à laquelle on n’est pas souvent confronté.

Ça fonctionne différemment à l’école ?

Oui, même si ça dépend de chaque metteur en scène. Penthésilée, comme projet de fin d’études, est un peu la concrétisation de tout ça : travailler pour être considérés comme des professionnels. Hugo nous a tout de suite dit : «  Vous savez faire ; alors faites ! Je vous dirigerai s’il y en a besoin. Mais le spectacle va se faire avec vous, acteurs. »

Cette liberté acquise dès tes 24 ans est un très mauvais début : tu risques ensuite de tomber sur des metteurs en scène très autoritaires (rires).

Beaucoup mettent en scène, vraiment, positionnent les acteurs dans l’espace, donnent les outils. C’est agréable aussi de sentir qu’on nous fait confiance. Les contraintes sont déjà dans la langue, dans les situations.

Comment as-tu vécu ce rôle, d’autant plus que tu le partageais avec trois camarades ?

Nous avons eu beaucoup de travail à la table, avant même d’avoir la distribution, de savoir quels personnages on allait jouer. La pièce et le rôle de Penthésilée m’ont beaucoup touchée. Cette femme est un peu en dehors des lois. C’est assez sororal et Penthésilée sort quand même du groupe. Elle sacrifie cette sororité que partagent les Amazones pour un désir qui est plus grand que la tradition ; ce désir de vivre sa propre vie, de ne pas être soumise aux règles de la hiérarchie. C’est très agréable de jouer un personnage qui sort de soi-même. Pour que Penthésilée ne passe pour une foldingue, il faut vraiment comprendre toutes les bascules du personnage.  Pour y parvenir il est indispensable d’appréhender l’ensemble du texte.

Jade — Assister Hugo consiste à essayer de comprendre sa vision, quelle direction il cherche. Comme il s’agit d’un projet de sortie d’école, donc pédagogique, je devais voir comment j’apprends de cette situation. Pour le spectacle de sortie de première année, on avait à l’inverse un metteur en scène qui nous faisait faire beaucoup d’impro pour nous faire rentrer par l’émotion plutôt que par le texte qui est plus concret. C’était de grosses sessions de travail, très dirigées. C’est pourquoi on a été un peu déconcertés au début avec Hugo. Il a fallu le temps de prendre nos marques. Ce qui ressort de nos échanges entre élèves c’est que nous sommes contents d’avoir eu les deux approches. Mon plus grand rôle a consisté à rassurer celles et ceux qui faisaient de belles choses mais doutaient. Ça nous a amenés à réfléchir ensemble, à nous poser des questions.

J’aime beaucoup écrire et mettre en scène ; j’aime aussi jouer. On verra bien où la vie me mènera.

Certaines répliques étaient accompagnées par le chant d’un oiseau ; on voyait des déplacements de troupes loin du centre du jeu. Comment avez-vous vécu le jeu en extérieur ?

C’était la première fois pour Héléna.

Jade — J’avais déjà joué en extérieur. Ce sont des événements différents, et c’est ce qui est bien. Le théâtre n’est pas juste un spectacle. C’est toute l’expérience qu’on va vivre ensemble, tout ce qu’il y a autour, comment on s’implante dans un lieu, que ce soit une salle ou à l’extérieur.

Héléna — À l’extérieur, on se sent obligé de faire attention aux circonstances dans lesquelles on joue. C’est ce qu’il faudrait faire aussi dans un théâtre, chaque lieu est différent.

Et chaque représentation unique.