Bretécher

Bretécher

5 juillet 2025 0 Par Paul Rassat

C’est l’été. Profitons-en pour relire Proust, ou découvrir de nouveaux horizons littéraires. À moins que les vacances  invitent à parcourir des domaines que l’on croyait connaître mais que l’on avait zappés. C’est le cas de Claire Bretécher de qui j’ai longtemps prononcé le patronyme Brétecher. Il était temps de réparer. Agrippine déconfite est paru en 2009. Les premières pages donnent l’impression qu’elles sont d’aujourd’hui. Peut-être de demain. Elles nous plongent dans l’univers profondément superficiel de la mode. Un monde révélateur de nos aspirations personnelles, des liens que nous entretenons avec nous et avec les autres. De nos liens avec la nature et les animaux.

Le tatou stressé

En l’occurrence c’est ici le « tatou stressé » auquel on montre «  des chaussures et sacs faits dans la peau de ses parents «  avant de l’estourbir pour lui faire subir le même sort. « Ça le stresse un maximum et ça lui hérisse les écailles. C’est plus joli et plus cher. »

Un coup de langue

La langue accompagne parfaitement le dessin et le scénario. Elle offre le décalage idéal avec la bourgeoisie classique qu’elle transforme en ce mouvement de consommation auto satisfait qui se veut dans le coup. Moderne. Exemple : » Tu es d’une scélarasserie bubonique. Le tout sur fond d’éternelle frustration qui nous lie toujours plus à la consommation. Avec cette recherche d’éternelle jeunesse qui fait dire à une mamie sapée comme une post ado : «  Écoute tête de chiottes je kiffe pas trop ton ton. » Pas de majuscules, pratiquement pas de virgules ni de points. Le discours se déverse, il bave problèmes et émotions. « allô Odile, je te dérange ? écoute je dois absolument te parler je suis dans un état !…j’y crois pas, mes problèmes tout le monde s’en bat sa race » tonitrue la mamie.

Regard critique et amusé

Et puis on fait un tour avec Adriana Karembeu, le combat contre la pensée unique, le vécu émotionnel, le malaise conjugal et familial occasionné par une forme de satiété, le vélo bobo. En contrepoint, l’employée portuguaise : «  tché moi y a oune amvianche époubantavle tché lé patrons, yé mé demande cé qué yé bais debenir yé chouis déjpérée des gens si conbenavles qué déclarent au moins la moitié de mes hores… » Chacun désespère à son niveau. Et vogue la société. Les exigences féminines contradictoires s’accompagnent d’une torsion de la langue jusqu’à l’hypocalypse ou l’apothénuse. Et de quelques perles «  cesse de nous scier les trompes…je m’en bats le point G… »

On imagine le regard de Brétecher sur l’actuelle société. Celle qu’elle montrait baignait déjà dans une inculture crasse lui faisant confondre Fénelon et Ganelon en matière de traîtrise. Alors aujourd’hui!