Geluck de Milo

Geluck de Milo

1 décembre 2025 0 Par Paul Rassat

Et si Philippe Geluck ne cessait de noyer le poisson avec son chat ? D’abord, qu’est-ce qui nous prouve qu’il se nomme réellement Philippe ? Ce pourrait être Robert Geluck. Ou Philippe Badluck. Dès le départ le doute s’installe. Tout comme il est permis de douter de la profession de Robert Badluck. Dessinateur ?  Humoriste ?  Exportateur incompris chez lui et donc condamné à exporter ses alba [ Notons que le pluriel du mot latin « album » est « alba », ce qui fait un peu truffe, mais passons].

Le drame initial

Au doute s’ajoute le flou. Et quand c’est flou, comme le dit Martine, c’est qu’il y a un loup ;  une déchirure au sens initial. La déchirure prend chez PG l’image de la Vénus de Milo. Bien plus qu’une déchirure, même, comme le montre le dessin légendé «  Dans 2 secondes, ce sera le drame. »

Un célèbre psychanalyste, Jacques Canal, affirme que cette œuvre est un autoportrait révélateur. L’auteur s’y représente en femme ( fixation sur la mère ?) sur le point de perdre ses deux membres supérieurs. Le mot «  membre », surtout en double, laisse entrevoir une homosexualité latente sublimée par la production artistique. Mais pas dupe, PG, ou RG, ou PB choisit le domaine de l’humour pour exprimer son art en noyant le poisson.

L’art comme thérapeutique

Si prévenir c’est guérir, l’auteur, on le voit, se soigne au rythme de son intense production. Un chat aurait 7 vies ; celui de GL, ou RG, compte bien davantage d’alba. Le chat ? demanderez-vous. Il faut bien caresser la vie dans le sens du poil pour la faire ronronner.

Mais le drame guette toujours, comme ces 4 tranchoirs auprès desquels l’épée de Damoclès n’est qu’urine de félin domestique.

Occupe-toi d’Amélie

Notre 2° dessin illustre la loi de Murphy : «  Le pire est toujours certain. » À trop jouer, la Vénus s’est tranché les membres supérieurs et en a perdu la tête. La voici dans de beaux draps, car, vous l’aurez remarqué, le drapé de son vêtement demeure inchangé. De quoi faire mentir Héraclite qui prétendait : «  On ne se baigne jamais 2 fois dans le même fleuve. » Si elle avait perdu ses pieds ou ses jambes, Vénus eût été apode. S’il lui avait manqué des membres dès la naissance , elle aurait souffert d’amélie. Mais tel n’est pas le cas. En matière de membres supérieurs, nous en sommes réduits à la fameuse expression : » Pas de bras, pas de chocolat ».

Un détail de l’Histoire

Notre 3° dessin se passe de légende. La Vénus en est devenue une à elle seule. Une sorte de bête de foire si elle n’avait été exposée dans le plus grand musée du monde, lui-même exposé aux premiers voleurs venus par la fenêtre. Le sourire de La Joconde, l’absence de bras de la Vénus, les ailes de la Victoire de Samothrace. Le succès tient parfois à un détail.

Certains avancent que l’art est inutile. À chaque crise économique, même un peu mondiale, on nous sabre le budget de la culture. Celle-ci n’est pas rentable, Elle ne sert vraiment à rien. Mais la culture et l’art ont toujours une utilité, à condition de faire l’effort de la lui trouver. La Vénus de Milo peut jouer un rôle éducatif, elle peut aussi renseigner utilement les visiteurs du musée. On avait un temps envisagé de restaurer ses bras afin qu’elle puisse servir de porte-manteau. L’idée a été abandonnée.

Interactivité

La 4° réalisation de PG entre parfaitement dans le cadre du care qui dit tellement mieux et tellement plus de choses que le mot soin bêtement français. N’épiloguons pas. Nous entrons ici dans le cadre d’une interactivité bienvenue dans notre monde contemporain.

Le 5° dessin marque malheureusement les limites de cette interactivité.

Musique, maestro !

La suite nous emmène visiter le Discobole de Milo, un oxymore intéressant dont l’ombre portée entre en écho avec la façon de porter le disque. On note au passage que le 78 tours ne sera inventé que bien plus tard, mais qu’on lance aussi un disque dans le domaine de la musique. Le discobole de l’avenue de Milo prouve que même les plus grands peuvent parfois se laisser aller à la facilité. Un ersatz de la félicité.

 Le septième dessin montre que nous avions visé juste. Vénus et discobole se trouvent réunis dans le lancer de disque. Et c’est là qu’intervient [Ici, diront les puristes] notre psychanalyste. N’importe quel lecteur aura remarqué que le disque en question est des Stones. Des « pierres » ! Une sorte d’osmose s’installe entre la Vénus qui ne reste pas de marbre, la pierre et la musique.

Entartage consenti

Terminons par le dernier dessin sélectionné. Ce qui constitue un pléonasme. L’entartage est une spécialité belge qui s’est très bien exportée à une époque. Les textes européens en ont rendu la réalisation plus difficile. Composition de la crème, température, vitesse du vent au moment de la performance afin de savoir si celle-ci pourra être homologuée… ont dissuadé les entarteurs. Et puis il faut désormais obtenir le consentement de la victime, ce qui supprime tout effet de surprise. Pour le dessin de Geluck, aucune crainte. On remarque que la Vénus pose ; c’est qu’elle consent, même si elle ne dit mot.

Sous les plis, les plis…

Ce rapide tour de Vénus geluckiennes traduit bien l’intérêt artistique, mythologique et psychanalytique de l’auteur pour ce thème. Et pendant ce temps, de chat, point ! Si nous avons effleuré plus tôt la dimension sexuelle de la démarche, il faut y revenir. PG a choisi de représenter un chat et non une chatte, afin, croit-il, d’éviter toute interprétation qui aurait pu permettre de découvrir sa véritable inspiration. Et puis, vous pouvez tourner la page, vous ne verrez pas ce qu’il y a sous les plis du voile de Vénus. Comme vous pouvez vous gratter pour voir ce que cachent les plis en marbre.