Je ne pense pas

Je ne pense pas

25 novembre 2025 0 Par Paul Rassat

A — Je ne pense pas.

B — Qu’est-ce que tu ne penses pas ?

A — Je ne pense pas que ça se fera.

B — Donc tu penses que ça ne se fera pas. C’est ça ?

A — Oui.

A — Et pour dire que tu le penses, tu dis que tu ne le penses pas ?

B — Je sais. Dire «  Je pense que je ne le pense pas » c’est comme un courant d’air de la pensée.

A — Pourquoi exprimer une absence de pensée ?  Le silence est parfois éloquent et préférable.

B — Mais nous avons trop l’habitude d’orateurs qui parlent pour ne rien dire et qui feraient mieux de se taire. Je ne voudrais pas  qu’on interprète mon silence comme l’expression d’un vide de pensée. Même quand je dis «  Je ne pense pas », je pense toujours.

A — Et quand tu dis «  Je ne pense pas que je pense… »

B — …Je le pense en le disant, et même en le pensant.

B — Avec tout ça, j’ai oublié ce qui ne se fera pas.

A — Je n’ai pas dit que ça ne se fera pas. J’ai dit que je le pense.

B — Non, excuse-moi, tu as dit que tu ne le penses pas.

A — Ça revient au même.

B — Ne chipotons pas. Qu’est-ce que tu penses qui ne se fera pas ?

A — Je ne sais plus. Je pense qu’on devrait parler d’autre chose.

B — Tu penses à quoi ?

A — À rien en particulier. Mais ce serait bien de parler de quelque chose à quoi on ne pense pas. Ce serait plus original.

B — Je ne pense pas qu’il faille à tout prix rechercher l’originalité.

A — D’autant plus que l’originalité ne se recherche pas ; elle se vit.

B — Tu penses ?

A — J’en suis sûr ! Ou je pense en être sûr.

B — Tu crois ?