Michel Ocelot « Artificier de l’imaginaire ». Exposition
13 juin 2021Michel Ocelot et Annecy
Le Château Musée d’Annecy rend hommage à Michel Ocelot qui est à Annecy chez lui. Lors d’une rencontre, il nous confiait « Avec Dilili, je n’ai pas été politiquement correct. Le film a fait l’ouverture du Festival d’Annecy cette année. Je vis avec Annecy depuis 1969/70. Je n’ai pas raté un Festival depuis, j’ai donné toute ma vie à Annecy, j’ai très longtemps été membre du conseil d’administration du Festival. A mon âge, j’ai eu l’impression que tout Annecy me rendait hommage parce que j’ai bien fait mon boulot. »
Hommage de Michel Ocelot au créateur des Shadoks et du Château d’Annecy aux deux créateurs
« Un brave type »
En acceptant une photo de lui réalisée par Didier Devos vingt ans plus tôt, Michel Ocelot réagissait :
« Aujourd’hui, quand je me regarde dans la glace, je ne me regarde pas longtemps. (rires). J’étais déjà vieux, dégarni mais on sent une innocence, ou plutôt une honnêteté qui me plaît. Si je ne connaissais pas ce type-là, je dirais « C’est un brave type, je peux lui faire confiance. »
L’universalité du conte
Michel Ocelot nous disait utiliser les contes pour aller à l’essentiel sans souci de réalisme. Yaël Ben Nun, commissaire de l’exposition d’Annecy, rappelle la déception de Michel Ocelot voyant ses premières œuvres classées dans la catégorie destinée aux enfants. Kirikou ? Pourquoi Karaba est-elle méchante ? Elle a subi un viol. Et l’on aborde alors le triangle de Karpman [Persécuteur-Sauveur-Victime] dont les rôles sont plus ou moins interchangeables. La psychanalyse nous a appris que les contes ne sont pas d’innocentes histoires pour enfants naïfs. Talpa le rappelait récemment, Philip Pullman a refusé un prix parce que décerné dans la catégorie « Littérature de jeunesse ». Celle-ci a son intérêt, mais elle est pour beaucoup une niche commerciale. Si vous ne l’avez pas encore lu, découvrez par exemple « Haroun et la mer des histoires » de Salman Rushdie, que recommandait Pierre-Gilles de Gennes. Le roman est présenté dans la littérature d’enfance et de jeunesse !
Le conte comme cheval de Troie
Par ses raccourcis, par sa liberté d’expression, le conte plonge au cœur de la psychologie, des idées, d’une argumentation qui passe par le récit et les images. Dilili à Paris ? Les leçons du passé, la défense de la culture, la dénonciation du sectarisme, du racisme, des préjugés, l’apport au féminisme. « Le conte est le langage que je sais bien parler, il permet d’aller droit au but » nous confiait Michel Ocelot.
La source africaine
L’exposition présente des livres de contes africains. Michel Ocelot y a puisé une partie de son inspiration. Les masques africains ne sont pas de simples objets mais l’incarnation de forces essentielles. En Europe les masques ont perdu leur force vitale, de même que les carnavals se sont assagis en défilés ornementaux. Qu’elle soit africaine, orientale…l’inspiration de Michel Ocelot renoue avec les puissances primitives du conte. C’est de là que vient sa force mise en scène par la recherche de beauté du créateur.
La griotte n’est pas forcément une cerise sur le conte
[ Propos de Michel Ocelot relevés à partir de videos que propose l’exposition]
« L’importance des conteurs est grande, comme dans le 3° Kirikou. Cette femme vieille qui règne par la parole, une griotte et apprend à Kirikou à devenir conteur. Celui qui transmet, qui répète ce qu’on lui a dit, ou qui à partir de cet héritage construit ses propres histoires. C’est le cas de Kirikou, c’est mon cas. »
Enfants, grimaces, beauté et dignité
« Il est intéressant de mettre en scène des enfants. Ils sont jolis. Ils sont encore tout neufs, n’ont pas vu toutes sortes d’atrocités, n’en ont pas commises. Enfant, on n’a pas encore appris à faire les grimaces, on ose dire ce qu’un adulte n’oserait pas.
L’idéal serait de ne pas avoir de style. Je voudrais disparaître dans mes histoires et que le spectateur y soit perdu. Mais je crois bien que j’ai un style. Je suis désolé. Il vient de ma détermination à faire de jolies choses.
J’aime représenter des innocents qui ne se laissent pas faire. C’est une bonne définition de mes personnages. Si je peux, je souhaite apporter de la dignité aux gens, de la souplesse, de la décontraction. Être souple et ne pas faire de drames pour tout. Ne pas grincer des dents. »
Clip pour Björk
Trois petits contes
Michel Ocelot nous parlait de son souhait d’autres formats que le long métrage. Il avait l’idée d’une turquerie et un titre « La princesse des roses et le prince des beignets ». « J’ai plusieurs projets, nous disait-il, mais le plus avancé est un conte de fées très joli, très ironique, avec des femmes qui ne se laissent pas faire. Une turquerie 18° siècle. J’ai depuis longtemps envie d’utiliser les costumes turcs, ottomans. Ils sont délirants, très beaux, avec d’énormes turbans, des caftans »
La princesse est devenue « La Maîtresse des confitures », qu’accompagnent « Le Pharaon, et Le Sauvage ». La turquerie pour la beauté des costumes, Le Pharaon pour l’amour de l’art égyptien découvert en 6°, Le Sauvage pour célébrer l’Auvergne.
L’exposition du Château montre l’évolution des techniques utilisées par Michel Ocelot. Elles lui ont permis toujours d’exprimer une vision du monde personnelle, riche, en échange permanent avec différentes cultures et temporalités.