Savoie et mouvement
30 novembre 2022Talpa envisage de publier quelques textes qui approchent la Savoie sous l’angle du mouvement. Mouvement historique, artistique, économique, géographique, spatial… Quand on demande aux Savoyards de définir leur territoire reviennent en premier les montagnes. Les évidences immuables que l’on ne déplace malheureusement pas dans l’esprit des gens et qui deviennent clichés. Les incontournables ont au contraire le mérite d’obliger à créer le mouvement. Les quelques textes à venir associeront le sérieux et l’humour. Ils prétendent faire (un peu) réfléchir. (Le dessin est de Franz Schimpl)
Mouvement
Le mouvement apparaît comme l’axe central qui anime le territoire de Savoie et se retrouve dans un alliage de tradition et de modernité. Étymologiquement, la tradition est d’abord l’action de transmettre et puis vient ensuite la notion d’héritage transmis. Il semblerait que le deuxième sens ait pris le pas sur le premier. Quant à la modernité, elle ne désigne en réalité que ce qui est de son temps, sans connotation péjorative ou méliorative. Pour définir l’art contemporain, qui est sujet de tant de polémiques, le critique Philippe Piguet dit que c’est l’art de son époque. Tout art a été contemporain. On pourra en sourire avec l’écrivain Michel Leiris qui s’amusait à juger « Modernité, merdonité. »
La transmission et la tradition
Ainsi, tout est moderne un jour et tout devient tradition par un acte de transmission. C’est le cours naturel des choses, leur mouvement. En innovant, on crée de la tradition. C’est le mouvement. Mouvement dans lequel se trouve inévitablement la Savoie mais qui a su en jouer, le renforcer ou l’orienter dans de nombreux domaines quand d’autres territoires ont joué et jouent encore la carte de l’opposition pour s’affirmer. C’est avec intelligence que la Savoie évolue, avec intelligence, ce qui signifie étymologiquement en créant des liens, en s’ouvrant à travers ces liens plutôt qu’en s’opposant et en se fermant.
Unité et diversité
Le mouvement est une ouverture permanente aux autres et à soi. Un enrichissement. Si la devise des Etats Unis d’Amérique est « E pluribus unum », « Un né de plusieurs », celle de Savoie (sans singulier ni pluriel) pourrait être « E uno plures », « De l’unité naît la diversité » parce que le paradoxe, si cher à Jean-Jacques Rousseau, un enfant de la région, est en lui-même un mouvement de la pensée.
Un peu de géopoétique !
Kenneth White écrit « Le nomade intellectuel traverse des territoires, à la recherche de foyers de culture perdus, et entretient un contact à la fois intelligent et sensible avec notre monde terraqué, qui est autrement plus complexe que ce nous appelons, pauvrement, environnement. » Kenneth White est le défenseur de la géopoétique. Celle-ci est une façon de vivre et de concevoir le monde à travers les langages et les forces qui relient les hommes à la nature.
Le mouvement permet de rester soi-même
Le polycentrisme propre au territoire de Savoie est la résultante des contraintes liées au climat, au relief. Les Savoyards ont su les transformer en diversité et en richesse. Pas d’immense métropole mais un tissu continu qui mêle les villes à la campagne, les campagnes à la montagne et les montagnes aux villes. Quand certains cherchent à définir une région ou un territoire à travers des valeurs fortes, marquées et donc un peu caricaturales, pourquoi ne pas s’appuyer au contraire sur la diversité, l’adaptabilité et le mouvement ? Pourquoi vouloir ressembler aux autres quand il est possible d’être soi-même pour mieux s’ouvrir au monde ?