Abracadabra, la magie du clown est là !
5 août 2024Véronique se nomme Rosalie quand elle porte le nez rouge du clown. Elle intervient en milieu hospitalier avec l’association Soleil Rouge auprès d’enfants malades. Elle est clown aussi de profession, sur scène. Avec Rosalie, « Abracadabra, la magie du clown est là ! »
Comment dois-je vous appeler, Véronique ou Rosalie ?
Véronique. Pour être Rosalie il me faudrait mettre mon nez rouge. Je sépare les deux personnes. Le clown est un peu un inadapté social ; ce serait pénible d’en être un dans la société, en permanence. Mais ce serait intéressant.
Comment êtes-vous devenue clown pour l’association Soleil Rouge ?
Déjà enfant je disais que je voulais devenir clowniste acrobatiste. J’habitais en station de ski et je n’avais pas conscience que l’art, le théâtre pouvaient constituer de vrais métiers. Je voyais tout ça de loin. J’ai commencé à faire du cirque, j’ai eu un enfant hospitalisé dans un service pour adultes ; les clowns n’y passaient pas. J’ai suivi des stages de théâtre, un premier stage de clowns et je me suis aperçue que faire rire est ce que je préfère. Provoquer des émotions et faire rire. J’ai contacté plusieurs associations de clowns hospitaliers et j’ai eu la chance qu’une comédienne parte en congé de maternité au moment où je sollicitais Soleil Rouge. J’ai sauté sur l’occasion !
Ce n’est pas Soleil Rouge qui a de la chance de vous avoir comme clown, mais l’inverse !
Faire ce métier a chamboulé ma vie, me fait porter un autre regard sur le monde en pratiquant une activité utile et intéressante. J’essaye de faire ce travail correctement mais c’est effectivement une chance d’être clown avec eux, de les rejoindre. Soleil Rouge organise tout pour que ses comédiens soient dans les meilleures conditions pour être de bons clowns.
Que veut dire « être un bon clown » ?
Je différencie le clown à l’hôpital et au théâtre, bien que je pratique les deux métiers. À l’hôpital nous permettons à l’enfant de se détacher un peu de son rôle de patient. Nous le rencontrons par le biais des émotions pour lui redonner sa place d’enfant, de joueur. Il est spectateur de nos jeux mais il en joue, il en rigole. Il est partie prenante au point de demander, voire de provoquer certains jeux. Un bon clown hospitalier doit adapter son jeu à toutes les situations. On peut interagir seul(e) avec un bébé de trois mois, se retrouver dans un hall d’entrée, sous tension parce que chacun attend depuis des heures que ce soit son tour. On se retrouve au milieu de cinquante personnes, d’énergies différentes et il faut faire quelque chose ! Désamorcer la tension. Il est possible de se retrouver avec un ado qui a envie de dire non à tout. Nous devons lui permettre de péter les plombs. Certains jours un petit sourire est déjà énorme.
Il doit vous arriver de repartir avec une charge difficile à trimballer. Vous vivez des choses qui vous marquent.
L’équipe est suivie par un psy une fois par mois, heureusement. Oui, ces enfants nous marquent ! Leurs parents aussi. Nous sommes totalement perméables à ce qui se passe, même si, d’une certaine manière le nez nous protège. Grâce à lui, nous nous retrouvons comme un enfant parmi les enfants. Mais en rentrant chez soi, on repense à ce que nous avons vécu, partagé.
Quand ça se passe bien vous devez repartir sur un petit nuage.
On se sent super héros… souvent, grâce au pouvoir de désamorcer certaines choses pour lesquelles les parents eux-mêmes peuvent être démunis. Il arrive parfois qu’un enfant reçoive ses soins sans qu’il s’en rende compte, sans douleur, pendant nos interventions. Ce sont vraiment des moments merveilleux qui viennent de la relation directe établie par les émotions.
S’y ajoute le fait que le clown est un inadapté social. Il ne se moque pas des autres, il permet en revanche qu’on se moque de lui en apparaissant comme nul. L’enfant en difficulté se dit « Il est pire que moi ! Il se prend la porte dans le nez en l’ouvrant ! » Le clown est fragile, donc touchant et son état rejoint celui de l’enfant malade. Le masque de clown nous permet d’être naturels.
Comme le déguisement de carnaval qui permet d’être plus libre, plus naturel.
Il y a de ça. Si le clown peut faire peur à certains, c’est à cause de cette liberté.
Depuis combien d’années faites-vous partie de Soleil Rouge ?
Dix-huit ans. Actuellement notre équipe est composée de huit clowns. Nous nous connaissons tous très bien, nous jouons, nous répétons ensemble.
Vous arrivez à vous faire rire les uns les autres ?
Oui. Être huit est intéressant, nos humours se complètent. On ne fait pas les mêmes blagues suivant avec qui on joue. Le résultat est donc très riche. Avant chaque intervention on nous informe : la pathologie de l’enfant, son âge, son état de fatigue, s’il y a des consignes particulières liées à l’hygiène, à une possible contagion, et nous sommes tenus par le secret médical. Avec toutes ces informations, nous partons nous changer, nous regardons dans chaque chambre qui est là. On se lance en adaptant à chaque fois, à chaque enfant, à chaque situation. Certains, nous ne les voyons qu’une fois parce qu’ils viennent pour un doigt cassé ; d’autres, nous les suivons pendant des années. Ils nous connaissent par cœur et nous poussent à développer nos jeux. Il faut chaque fois être surprenant.
Des souvenirs particuliers ? Ce que j’évoquais déjà. On rentre dans la chambre, l’enfant va avoir un soin difficile, il n’est pas très content, même de l’arrivée des clowns et puis on capte son attention, l’infirmière intervient en prévenant l’enfant qui s’étonne à la fin « Mais, je n’ai pas eu ma piqûre, ou mon soin ! » Si, mais il ne s’en est pas rendu compte. Beaucoup d’enfants vont mal actuellement. On nous annonce récemment une petite qui n’a pas parlé depuis trois jours. Lorsque nous rentrons dans la chambre est dit « Abracadabra ! » pour notre tour de magie. Ce n’est qu’un premier mot, mais ! Elle nous a dit « Merci » quand on est sortis.
La magie du clown avait opéré.