Aimons-nous vivants, de Jean-Pierre Améris

Aimons-nous vivants, de Jean-Pierre Améris

28 mars 2025 0 Par Paul Rassat

Rencontre avec Jean-Pierre Améris pour Aimons-nous vivants, en avant-première aux Pathé d’Annecy. ( Sur les écrans le 16 avril). Cet art de sortir de la partition déjà écrite et ennuyeuse détourne la musique en une improvisation savamment réglée.

Le rôle tenu par Patrick Timsit fait penser à du Woody Allen.

J-P Améris — Complètement. Le film a des références visuelles très américaines. Les scènes  de  bureau, la chambre de motel sont tournées en studio, dans une usine désaffectée. Mon petit monde est toujours décalé, il n’est pas naturaliste. C’est plutôt une fable. Le motel se trouve à Écully, où je suis né. L’Olympia qu’on voit dans le film, c’est le Radiant de Lyon. On a aussi beaucoup tourné à Thonon, au Grand Hôtel de Divonne-les-Bains, que j’adore. J’aime ce qui est désuet, figé dans le temps.

Jean-Pierre Ameris cite au passage les noms de tous les comédiens, la secrétaire, le barman, il remercie l’équipe qui a fait le décor…Tout au long de la conversation se confirme l’intérêt qu’il porte aux autres, intérêt qui est le moteur de ses films de fiction ou de ses documentaires. Jean-Pierre Ameris ne fait pas la promotion de son film : il aime rencontrer les gens.

Votre film est très grand public mais il aborde des questions comme la fin de vie, la solitude, le statut de l’artiste, sa sincérité. Chacun peut le recevoir de façon très personnelle, à un niveau très différent.

J’espère. C’est le quinzième long métrage, la cinquième comédie. Les émotifs anonymes, j’y suis allé longtemps. Une famille à louer a été ma découverte tardive de la vie de famille. Aimons-nous vivants est vraiment né de questions sur le vieillissement, d’une angoisse. «  Si demain je ne pouvais plus faire mon métier, la passion de ma vie ? » C’est parti de ça, en faisant mon dossier de retraite. On se demande comment naissent les films : on fait son miel de ce qu’on vit ! J’en ai tout de suite parlé à Marion Michau qui est la scénariste et dialoguiste du film. Je savais que du vieillissement, de la peur de l’oubli…J’ai travaillé toute ma vie, j’ai fait une vingtaine de films et j’entends tellement souvent : «  Ah, ben alors, on vous connaissait pas ! » C’est dérisoire mais… Il faut avoir l’humilité de le reconnaître.

Est venue l’idée de ce voyage en Suisse qui aurait pu être dramatique sans le rire. L’humour est la meilleure façon de s’en sortir. La comédie n’est pas la gaudriole. Même Le dîner de cons est cruel. Woody Allen est pétri d’angoisses. La comédie côtoie le drame finalement.

On pourrait penser que vous avez eu du mal à boucler votre budget et qu’il y a du placement de produit lorsqu’Antoine dit : «  C’est toujours le moment de manger une fondue. »

Je place toujours des choses personnelles dans mes films, et j’adore la fondue. » Le thème du film ? Un homme qui a envie de mourir rencontre une femme qui a envie de vivre.

S’évader du scénario

Entre les rayures de la veste du premier et les fleurs de la robe de la seconde va se créer une alchimie bariolée.

Pour un spectateur attentif, Aimons-nous vivants traite bien sûr de la fin de vie, mais aussi et peut-être principalement de la solitude. Il y est aussi question du statut de l’artiste, de sa sincérité. Le crooner désabusé  du film, Antoine-Gérard Darmon, ne serait-il véritablement sincère que le soir où il chante en semi privé, lors d’un repas d’après-mariage ? Loin des convenances, de l’ordre établi ? La véritable artiste ne serait-elle pas Victoire-Valérie Lemercier de qui la vie déborde de fantaisie incontrôlable ? « Oui, mais elle ne crée rien », répond Jean-Pierre Améris. Elle crée sa vie, ce qui est déjà bien et nous emporte.

La « vraie » vie ne se glisserait-elle pas dans les instants volés ?