Articulation

Articulation

8 décembre 2025 0 Par Paul Rassat

L’articulation est l’ « ensemble des éléments par lesquels les os s’unissent les uns aux autres », « l’ensemble des mouvements qui règlent la disposition des organes vocaux sur le passage de l’air expiré »,le point où se fait la jonction des groupes syntaxiques (propositions) d’une phrase, ou mot (conjonction) par lequel se fait cette jonction. »  Le rôle de l’articulation est de relier les os entre eux de manière fonctionnelle. De dire les mots de façon qu’ils soient compris. Emprunté. au latin articulatio au sens de « formation de bourgeon dans les arbres ». Quant à articulus, il désigne aussi une petite articulation que la partie d’un ensemble. Un article, par exemple, dans un journal.

L’art n’est pas loin, qui consiste à assembler, ajuster, mettre en ordre, ou articuler. Relier. L’art et l’articulation sont intelligence qui relie.

Syntaxe

Dans le domaine de la langue, c’est la syntaxe qui relie les mots ou les groupes de mots entre eux. Et la syntaxe évolue, faisant parfois s’enchaîner les mots de manière surprenante. «  Mais du coup, excusez-moi Gérard… » entend-on dans un débat sur les retraites . Sur 6 mots, 4 sont explétifs. Ils ne disent rien au-delà d’un tic verbal ou d’une tournure vide de sens. Dans une autre émission, on entend : « J’espère qu’on me donnera les moyens de pouvoir faire mon film… » « Je m’intéresse à comment la nature… » «  J’espère obtenir les moyens….J’étudie, je regarde comment… » À propos de la Syrie, entendu ceci : « Il fait en sorte de telle manière à…. ». « Les femmes se posent la question de ce qu’elles désirent. » Se demander serait trop direct, sans doute. Se poser la question à soi-même distancie davantage.

L’impérialisme du discours

 La journaliste Françoise Fressoz demandait à un invité : «  Racontez-nous quelle est votre stratégie aujourd’hui. » Le passage marqué par un simple changement d’intonation du discours direct au discours indirect l’emporte désormais sur la syntaxe « classique ». Le discours envahit nos vies au point qu’il fluidifie lui-même son fonctionnement. Ce faisant, il supprime beaucoup de nuances, de subtilité. Il suffit que tout s’enchaîne.

La langue nous vit

La langue ne décrit pas le monde ; elle dit le monde que nous vivons. Ce changement d’articulations nous vient en partie du globish et de la langue des affaires. D’un côté un «  packaging verbal » pour enrober le discours, le gonfler comme un soufflé : peu de matière, beaucoup d’air et de mots. D’un autre le besoin d’articuler le plus simplement possible afin de tenir l’antenne, le crachoir. À l’arrivée, une désarticulation ? De la langue, de la pensée, de notre relation aux autres et à nous-mêmes.