Babouillec « Voyage au centre d’un cerveau d’autiste »

Babouillec « Voyage au centre d’un cerveau d’autiste »

26 mai 2021 Non Par Paul Rassat

Autiste et autodidacte

J’ai découvert Babouillec, autiste, il y a quelques années grâce au film de Julie Bertuccelli. L’univers dans lequel elle vit ne lui permet pas de tricher, ni de différer. Elle doit inventer en permanence sa relation au monde, sans passer par des processus culturels et sociaux qui font de la langue et du langage une convenance. Babouillec est une autodidacte totale. D’elle-même, de la vie, de sa relation aux autres. Combien de textes aujourd’hui racontent au kilomètre ! Reprennent et diluent toute pensée en d’insipides palimpsestes dont la seule intention est de rimer avec l’air du temps. On slame la vie sur des tempos qui bercent et endorment la comprenette. On la râpe en fins copeaux de sens. Surtout ne pas oublier le vernis inclusif. « Bonjour à tous », « Bonjour les amis ». Et puis, il faut « faire du bruit «  pendant le spectacle, penser à remercier.

Le sens d’abord !

Que revendiquent les consommateurs, usagers agglomérés en public ? Le plaisir du partage, le plaisir du partage de l’émotion. Au théâtre, au cinéma, à un concert, le plaisir et l’émotion d’être ensemble deviennent plus importants que celui de partager et ainsi de faire vivre une œuvre. Qu’on est bien ensemble ! On fait société, on partage, on communique ! Il ne s’agit pas de prôner la misanthropie mais de revenir à des relations qui fassent sens parce qu’elles décapent, bouleversent, surprennent. Les textes de Babouillec ont l’éclat des diamants bruts. Ils coupent. Les arêtes des mots tranchent. Rien n’y est superflu Des étincelles naissent de la rencontre des mots, du rythme, de la musique. Des étincelles qui ouvrent  des espaces d’interrogation et de poésie.

Mémoire animale et cerveau soprano

« Tout est noir dans l’escarcelle du cerveau reptilien. Pas de croas, croas dans ma mémoire animale. Je suis née directement dans le cerveau soprano du déliement de la langue. Pas de balbutiements, pas de corps rampant, une forme de désobéissance aux règles de survies, aux limites d’embarquement dans les wagons du voyage social. 

   Alors, j’ai embarqué dans ma propre matière dépecée d’un existant collectif, d’un mode d’emploi d’appartenance.

   Tout à inventer par absence de réflecteur. »

Et ainsi de suite non préétablie dans ce Voyage au centre d’un cerveau d’autiste. Histoire de brouiller les cartes de ce bon René, Babouillec écrit aussi « Je suis donc je pense. »

Dialogue de taupes

— Je suis donc je creuse? Tu déraisonnes! C’est « Je creuse donc je suis. »

— Je creuse comme je veux et je suis qui je veux. Moi ou quelqu’un d’autre. « Creuser la voooooiiix !!!!

C’était peut-être l’Éditaupe N° 27