BD, d’Angoulême au Lac d’Annecy avec Gaëlle

BD, d’Angoulême au Lac d’Annecy avec Gaëlle

9 avril 2022 Non Par Paul Rassat

Entretien avec Gaëlle, de BD Fugue Annecy, dont l’enthousiasme est à la hauteur des connaissances. Il est question d’Angoulême, du Salon de la BD du Lac d’Annecy, des tendances. Le point de vue professionnel et l’approche personnelle créent une réelle dynamique.

Angoulême, une édition particulière

Gaëlle, tes impressions d’Angoulême 2022 ?

J’ai échappé au COVID ! C’était une année joyeuse parce que de reprise. Les événements en numérique ne remplacent pas les rapports entre les humains. Tout le monde avait envie de se serrer très fort dans les bras.

Ton point de vue est particulièrement intéressant parce qu’humain autant que professionnel.

Chaque fois que je vais à Angoulême je ne sais pas si je suis en vacances ou au travail. Cette année la partie plaisir a été un régal. Les expositions sont toujours d’un très haut niveau. Je ne pensais pas aller à Angoulême cette année. Mais je me suis sentie narguée très fort. Chaque semaine une nouvelle exposition était annoncée concernant un artiste que j’adore. Christophe Blain, Aude Picault, Chris Ware, évidemment, qui a reçu le Grand Prix en 2021, Mizuki, certainement mon artiste préféré de manga. Il n’était pas possible que je n’y aille pas !

Des « vacances » enrichissantes

La chance a été cette année un Festival en demi-teinte du côté des éditeurs. Ils n’ont pas vraiment osé organiser les réunions habituelles. La partie travail a été considérablement restreinte…J’ai donc été beaucoup plus en vacances ! Moins de présentations des programmes à  venir, donc une chasse au trésor pour aller dénicher ce qui se faisait. Il fallait farfouiller pour dénicher des présentations éventuelles. Sur les trois éditions d’Angoulême auxquelles j’ai assisté, celle-ci a été la plus passionnante grâce à ce côté informel.

Qu’en as-tu retenu ?

Il est toujours intéressant d’aller voir ce que font les petits éditeurs moins représentés en librairie. Impossible de présenter au public la totalité de ce qui est édité, même si nous sommes une librairie indépendante. Il y a plus de 5000 parutions par an.

Le rôle d’une libraire

C’est même un problème.

Nous ne pouvons pas faire vivre les livres à la mesure de ce qu’ils méritent. J’ai aussi un point de vue personnel : un quart de la production au moins est décevante. Les éditeurs ont cependant besoin de titres qui vont être vendus à profusion dans les supermarchés pour financer d’autres albums.

D’où une sélection ?

Les libraires indépendants peuvent décider de ce qu’ils proposent dans leur magasin. Nous sommes quand même censés avoir le plus large choix, ce qui ne nous empêche pas de tirer les lecteurs vers le haut. Et éviter l’élitisme. Il ne faut pas que les gens aient peur, se sentent juger.

Ce n’est pas le cas ici chez BD Fugue. Le bar donne un côté accueillant, convivial.

Oui, j’espère que ça se ressent. J’essaye d’avoir la plus grande partie de la production mais les podiums mettent en avant certains albums.

Photos prises à Angoulême par Vincent et Gaëlle, présentées en vrac par Talpa.

Le Salon de la BD de Sevrier

On passe d’Angoulême à Sevrier ?

On est entre les deux. Le Salon de la bande dessinée de Sevrier a lieu dans un mois, du 6 au 8 mai. On entre dans cette période où s’installe la panique.

Pourtant le Salon existe depuis un certain temps.

C’est la 9° édition. La 7° pour moi. Ne parlons même pas des imprévus liés au COVID ces deux dernières années ! Nous avons toujours la volonté d’améliorer ce festival d’année en année sans avoir une équipe plus importante. C’est même l’inverse. On essaye donc de faire de mieux en mieux avec de moins en moins de monde.

Toujours innover : un prix littéraire

L’expérience peut y aider. Oui, mais j’ai tendance à motiver l’équipe pour de nouveaux projets. Cette année il y a un prix littéraire. Le prix Splash est né de la volonté de prolonger le partenariat avec la médiathèque Quai des Arts de Rumilly. L’an dernier l’aventure avait commencé par un concours faisant travailler une dizaine de classes du département autour de la BD Le chat assassin, d’Anne Fine, édité par Rue de Sèvres. Nous ne voulions pas reprendre le même projet. Le prix littéraire s’est imposé cette année. Nous avons établi une sélection de dix titres d’auteurs français, donc accessibles, parce nous avons l’espoir d’inviter le gagnant. C’est un prix du public. Il y a ici, chez BD Fugue Annecy et au Quai des Arts de Rumilly des urnes pour que les lecteurs puissent voter.

Des tables rondes

Presque en même temps que pour les présidentielles.

C’est l’année des urnes ! L’autre projet important de cette année est une journée professionnelle…à laquelle pourront assister tous ceux qui ont envie de venir. Il y aura trois tables rondes aux cinémas Pathé d’Annecy. Pour chacune, trois invités et un modérateur. Nous reprenons ce que nous avions fait en visio l’année dernière et qui avait très bien marché.

La BD du réel

— La BD du réel, orientée plutôt vers le reportage. Le monde sans fin, de Christophe Blain et Jancovici, en est un bel exemple. L’hiver précédent Sapiens a été un grand succès. Sébastien Gnaedig, éditeur chez Futuropolis, Jean-David Morvan et Cyrille Pomès participeront à cette table ronde.

Bio et autobiographie

—  2° thème, la biographie et l’autobiographie. Théo Grosjean…— Je l’avais vu chez BD Fugue. Je lui avais fait remarquer qu’il est prétentieux avec son titre L’homme le plus flippé du monde. (rires)….— Théo sera présent. Il y aura Mlle Caroline. Mathieu Bonhomme complètera cette table.

Manga et Japon

— Il était impossible de ne pas parler du manga. Ce sera le 3° thème. Avec le Japon en général. Le manga traduit une culture de la relation à l’image. Il s’est cependant passé quelque chose de particulier ces deux dernières années. La France était déjà de 2° pays lecteur de mangas au monde. Mais il y a eu le confinement. Netflix a diffusé des « animés » et le pass culture a permis d’amplifier le phénomène. Des chiffres circulent sous le manteau : 90 ou 95% des achats concerneraient le manga. Au-delà du manga, on voit un attrait des jeunes pour le Japon. Ils veulent parler japonais, manger japonais, se déguiser japonais. Notre magasin propose des sabres, de la nourriture, des objets, de la limonade, des gaufrettes… Nous auront comme intervenants Yaël Ben Nun, Jean-Claude Deveney et Michaël Sanlaville.

Et encore…

Passionnée, la discussion se prolonge pour évoquer les barrières qui tombent. Le manga devient français, le musée château d’Annecy expose des artistes chinois à cheval entre l’art contemporain et l’animation. Les influences sont réciproques et multiples et les genres explosent. À suivre !