Brunilda à La Plata

Brunilda à La Plata

4 avril 2025 0 Par Paul Rassat

Drôle de « Virages graphiques » que cet album Brunilda à La Plata ! La 4ème de couverture dirait-elle tout ? «  Dans les coulisses d’un théâtre où le rideau ne tombe jamais, Norman se heurte à un choix impossible. Ce soir, à 21 heures, il a rendez-vous avec Brunilda au restaurant La Plata. Mais pour le rejoindre, il n’a qu’une seule option : traverser la scène en pleine représentation. Attendre, c’est renoncer. Foncer, c’est tout bouleverser. Pauvre gamin. »

La vie ? La représentation ?

Cet album traite de la création en montrant les coulisses de la création. À moins qu’il ne s’agisse davantage de la vie elle-même que de la création. Allez savoir ! Tout est tellement intriqué ! comme on dit en physique quantique. Le lecteur voyage de La rose pourpre du Caire, de Woody Allen à l’univers de Jasper Fforde.

La machinerie de la création

Le grand mérite de ce livre est d’associer intimement le graphisme et le texte afin que le lecteur pénètre dans la machinerie de la création. On y croise des décors inutilisés, des personnages qui vivent par eux-mêmes, la question du libre arbitre. La scène de théâtre , avec le public, les coulisses…est-elle une métaphore de la vie, ou est-ce l’inverse ? Est-il possible de changer le scénario en cours de représentation ? En cours de vie ?

Une carte mentale très complète

 Détournée, la pyramide de Maslow devient Pyramide de Virtuosisme. L’œuvre de Genis Rigol prend la forme d’une carte mentale qui couvre tout le champ de la création. Jusqu’aux biais cognitifs. Se construire en écrivant interdit d’abandonner l’écriture, même si l’auteur est mauvais. Il est aussi question du doute, du syndrome de l’imposteur, de tout ce qui parasite la création. Jusqu’à cette conscience façon Jiminy Cricket.

S’oublier

Dans la création par l’écriture ou dans le jeu d’acteur, être naturel prime. Oublier les approches techniques, l’intention, l’ego. La solution ? Que l’auteur, le dramaturge habite totalement sa propre pièce, qu’il s’y oublie, qu’il la vive de l’intérieur.

Ce qui nous emporte

Alors que , emporté par la lecture, je remarquais avec satisfaction que je n’avais pas tout compris, un personnage s’émerveille : «  Je dois reconnaître que je suis toujours finalement surprise  par quelque chose que je ne suis pas sûre de comprendre pleinement. C’est beau. »

Il est beau que quelque chose nous échappe et nous emporte. On notera à ce propos les images de galop à la page 140. Elles renvoient à Pour une fraction de seconde de Guy Delisle. Et à cette critique de Michel Azama à propos de Chantal Deruaz jouant sa pièce Le sas : « Chantal était bouleversante. Elle emmenait le public dans les larmes et le basculait  dans le rire en quelques secondes. Le texte suintait de toute sa personne on aurait dit qu’elle l’ inventait à la minute où  elle le proférait. Sa présence incandescente nous emmenait très loin dans l’émotion.  Ce serait peu de dire qu’elle portait ce texte elle le réinventait, l’ habitait totalement plus vraie que vraie. » La vie !