Championne à tout prix ?

Championne à tout prix ?

6 octobre 2025 0 Par Paul Rassat

Le High Five 2025 organisait le dimanche 5 octobre, au Craic d’Annecy, une table ronde  animée par Florence Manalda autour du thème «  Championne à tout prix ? »  En voici le préambule. La suite fut riche en informations, impressions, réflexions, retour sur carrière, conseils.

Tessa Worley

Je suis assez structurée, scolaire. C’est ce qui m’a aidée lors de l’entrée dans une carrière de haut niveau et même après. J’ai été très cadrée grâce au sport ; moins maintenant grâce à mon fils ! Mon moteur est vraiment le plaisir, la passion. Tant que je trouve ça, avec un défi sportif ou autre, j’avance.

Marie Bochet

J’ai mené ma carrière sans faire forcément des sacrifices mais plutôt par choix d’ambition. Celle-ci a émergé lorsque j’ai décidé de me lancer dans ma carrière handisport. J’avais très envie d’aller au bout de cette histoire, de la vivre intégralement. Je m’en suis donné les moyens, j’ai fait des choix qui ne relevaient pas du sacrifice. Mes autres moteurs personnels sont aussi le plaisir et la passion pour ce sport, pour la glisse, pour la montagne, pour l’environnement dans lequel j’ai évolué au cours de ma carrière.

Marie-Laure Brunet

Je suis une passionnée. Ma passion m’aide à passer à l’action, à concrétiser mes projets en quelque chose de palpable. J’ai eu la lucidité nécessaire pour bien m’entourer pendant ma carrière ; toute une partie de celle-ci, des performances, est liée à l’entourage qui apporte des compétences complémentaires aux nôtres. J’aurais eu trop tendance sinon à me mettre en mode focus sur mon activité professionnelle. Avec le recul je me rends compte que j’ai eu la chance de m’ouvrir à d’autres horizons, d’aller voir ce qui se faisait ailleurs, dans d’autres domaines.

Marion Haerty

Championne à tout prix ? Je n’ai jamais cherché à être la meilleure et à devenir championne du monde. C’était plutôt un moyen pour vivre ma carrière, aller en montagne, avoir des partenaires qui me fassent confiance sur la durée. Mon moteur a plutôt été le dépassement de soi, la force intérieure pour prendre confiance. Chercher à se dépasser soi-même avant tout est en lien avec une quête de bien-être au quotidien, du meilleur de nous-mêmes sous tous les angles. J’ai toujours essayé d’être humainement la meilleure avec mon entourage et de garder la positivité. Il ne s’agit pas simplement d’être la meilleure mais de tout une histoire de vie liée à nos proches, à notre famille.

Anne-Lise Rousset

À tout prix ? Non. J’ai choisi de ne jamais faire trop de sacrifices. De mener ensemble ma passion pour le trail et mon activité professionnelle de vétérinaire, tout en ayant une vie de famille accomplie. Il faut croire en ses rêves et alors rien n’est impossible.

Marie Martinod

Championne à tout prix ? Toute petite oui, peut-être. J’ai longtemps voulu être la meilleure pour obtenir la reconnaissance de mon père. Ça relève peut-être de la psychanalyse…Je ne l’ai pas mal vécu, sans souffrance ; mais j’ai toujours eu envie d’être la meilleure. C’est en discutant avec d’autres filles, avec Sarah Burke en particulier, que j’ai compris que ça n’avait pas beaucoup de sens et que le chemin pouvait être beaucoup plus sympathique que celui que j’empruntais. Ça a été chouette de grandir avec d’autres filles, de me comparer à elles sur les skis et de partager cette réflexion sur nos motivations. Je suis passée de « championne à tout prix » à « Heureuse à tout prix ». Construction, équipe, plaisir, je suis d’accord avec tout ce qui a été dit. Personnellement, c’est le côté challenge qui me motive, aller faire des choses qui ne semblent pas réalisables.

Contre-point

Il peut être intéressant d’avoir en contre-point un extrait d’entretien réalisé en mai 2019 avec Laure Manaudou.

« Ma vie a été faite de réussites et d’échecs. Le plus important est de souligner comment on peut sortir positivement de l’échec.

C’est quelque chose de très personnel, cette dimension. Vous pensez qu’elle peut se transmettre ?

C’est personnel, bien sûr, mais il est possible de montrer aux gens comment engager une dynamique dans laquelle l’échec permet d’avancer grâce à une remise en question. Personnellement je tire plus de leçons de mes échecs que de mes réussites.

En faisant un peu de science fiction on peut se demander si ce que vous avez réfléchi et appris depuis la fin de votre carrière sportive aurait pu vous aider dans la compétition.

Je ne pense pas. J’étais jeune quand j’ai réussi, je ne me posais pas de questions. C’est plus compliqué pour réussir quand on commence à s’en poser en avançant en âge. Se poser des questions augmente la pression.

Ne pas se poser de questions ne signifie pas être inconscient.

C’est être sûr de soi, de son objectif. J’ai réussi aussi parce que mon entourage renforçait cette confiance en moi ; et puis la personnalité entre en compte : chacun gère différemment échec et réussite. »

La trace

C’est à chacune, chacun, de faire son chemin, sa trace. S’il faut bien s’entourer pour y parvenir, il n’y a pas de recette pré établie. Il est nécessaire d’inventer la sienne au fur et à mesure, et de répondre à une véritable nécessité interne qui ne s’arrête pas au premier objectif venu. Il faut (se) voir loin.