Dans, mettre
20 octobre 2025Afin de nous convaincre que nous existons, nous utilisons de plus en plus la formule magique « dans ». Elle nous permet de résister tant bien que mal à l’injonction de regarder la réalité en face ; donc de l’extérieur.
Dans vient du latin de intus, « de l’intérieur. » « Cette musique est un cri qui vient de l’intérieur » chante Bernard Lavilliers. Dans est polyvalent. Dans la maison : lieu. Dans une heure : temps. Dans l’idée de : abstraction. Dans ta gueule : destination.
L’introspection et l’intuition marquent cette dimension intérieure qui vient de intus. Introduire, intrus soulignent le passage de l’extérieur à l’intérieur. Mais à l’origine dans soulignait un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur. Le mot a véritablement changé de sens.
Mettre
Mettre vient du latin mittere : envoyer quelqu’un ou quelque chose quelque part, puis placer. Mission, démission, soumettre, transmission partagent la même origine. Missionnaire aussi. Ainsi que messe : « Ite, missa est » ne signifie pas qu’il faut aller à l’est, mais que la messe est finie.
Immersion
« Dans, « mettre » traduisent un mouvement le plus souvent concret. C’est pourquoi nous les utilisons de plus en plus afin de garder, tant que faire se peut, une sorte d’ancrage dans un monde de plus en plus virtuel. Au risque d’abuser et de sombrer dans la caricature . C’est ainsi qu’une dame très bien intentionnée parlait à la radio de « remettre les gens dans du lien. » Recréer du lien, créer des relations (humaines).. ; il y avait toutes sortes d’expressions possibles. Mais remettre les gens dans du lien est tellement en contradiction avec l’intention de la dame bien intentionnée. On a l’impression que les gens sont des objets, qu’il s’agit de les saisir et de leur faire faire trempette dans un bain de liens. C’est peut-être le sens véritable de « vivre une expérience en immersion », tellement utilisée aujourd’hui.
Une autre personne, toujours sur les zondes et toujours aussi bien intentionnée (C’est la même émission) parlait d’ être dans des moments qui soient collectifs et joyeux. » Vivre, partager des moments collectifs et joyeux n’auraient pas fait l’affaire. Il faut être dans. Bientôt, mettre ma main dans ta gueule sera l’équivalent de « partager une proximité renforcée. »

