Déchets
24 mai 2025Rencontré récemment un employé de déchèterie ( ou déchetterie) qui envisageait d’écrire une Sociologie des déchets. Naguère architecte, floué par ses associés, cet employé voit passer depuis un certain temps les déchets de notre société et ceux qui la composent. Citoyennes, citoyens dont le train de vie apparaît dans leurs voitures, leurs attelages, leurs comportements et leurs déchets. Les deux derniers pouvant se confondre à l’occasion. Comme il est devenu difficile de déterminer la bonne benne où jeter ses propres déchets, je demandai conseil à l’ancien architecte. Du bois ? Ici. Un assemblage bois-métal, là. Là-bas, incinérables…Je remarquai : « Que ferions-nous sans vous ? »— Sans moi, la déchèterie serait fermée ! La réponse me surprit, me parut pertinente et la conversation s’engagea.
Dis-moi comment tu jettes, je te dirai qui tu es
Il est toujours intéressant de discuter de l’activité de chacun. On apprend beaucoup. Contrairement à cette élue qui fréquente le lieu sans se présenter. Ou à cette personne qui le contrôle sans non plus s’être présentée. On apprend donc le parcours de l’employé, sa volonté d’écrire une Sociologie des déchets née de l’observation. Les propriétaires de Tesla, par exemple, dédaigneraient tout conseil. Ils savent ; mais ont besoin d’être suivis car ils feraient un peu n’importe quoi.
Comme usager, j’ai moi-même observé les véhicules, les attelages, ce qui est jeté, les vêtements et les comportements, la façon de s’adresser ou non aux employés, de dire ou non bonjour, au revoir, merci…Une grande partie de notre société se retrouve là, dans le monde des déchets et la manière de les traiter.
De déchets en déchets
Souvenir de ce souk à Douz, aux fins fonds de la Tunisie. Quelques pièces de voiture, une bougie d’occas sur des bouts de tissu pour les protéger du sable. Ailleurs, en Afrique, un terrain vague au centre du quartier résidentiel. Chaque fin d’après-midi la « bonne » (l’employée de maison) partait en emportant le sac poubelle. Je ne m’étais jamais demandé où. Jusqu’à la nuit où je vis l’amoncellement de sacs poubelles sur le terrain vague. Passant plus avant dans la nuit, j’aperçus des lueurs, des mouvements. Tout un peuple de gens invisibles le jour s’affairait, triait, emportait. Au matin, le terrain était redevenu vague.
Les déchets nous valorisent
Les déchets deviennent un enjeu de taille…taille que l’on s’emploie à réduire. Trier, jeter là où il convient alors que notre société de consommation avait pris l’habitude de balancer un peu n’importe où , n’importe comment. L’animal marque son territoire de ses déjections. L’Homme a longtemps considéré qu’il marquait le sien de ses déchets, et que ça le valorisait. Maintenant, ce sont les déchets qu’il faut valoriser.
Peut-être demeure-t-il un domaine à l’ écart de tout progrès en la matière. Ce serait la politique. Même ayant fait leur temps, les élus s’accrochent au moindre poste, à la moindre activité permettant de se donner du « Président, Présidente… » On se reconnaît, se remercie, vieillit ensemble, se combattant et se complétant, indispensables les uns aux autres même si totalement inefficaces politiquement, socialement, voire nuisibles. Le déchet politique se recycle en interne. Politique ou non, il a de l’avenir, s’il ne déchoit pas contrairement au détritus qui est , lui, usé, broyé.
Photo © National Geographic