Dieu, etc.
21 juin 2023Nous verrons dans cet article comment passer de la coquille à l’Annonciation, de l’oxymore à Dieu paranoïaque grâce à quelques slaloms rationnels. Dieu, etc.
« C’est à elle [Nature] que nous donnons à produire tout ce que nous ne savons pas faire, et qui pourtant nous semble fait… Une coquille émane d’un mollusque. Emaner me semble le seul terme assez près du vrai, puisqu’il signifie proprement : laisser suinter…un mollusque émane sa coquille….Je ne sais que ce que je sais faire… Mais la fabrication de la coquille est chose vécue et non faite. » C’est ce qu’écrit Paul Valéry dans L’homme et la coquille.
Se créer, c’est vivre pleinement
Émaner, suinter, c’est répondre sans distance, sans déperdition à une nécessité intérieure. C’est ce que tente de faire l’artiste qui se crée en créant, en un acte performatif qui unit l’intention et la réalisation. C’est peut-être ici qu’intervient le paradoxe existentiel si cher au poète Michael Edwards. Il substitue au fameux « Être ou ne pas être » son « Être et ne pas être. » Être soi et un autre. Constant et différent. Ici et ici, étant passé par ailleurs. Si cohérence il y a au-delà du paradoxe et de l’oxymore, elle fuse de cette nécessité intérieure qu’évoque Jean-François Billeter à propos de Tchouang-tseu. Nécessité devenant liberté.
Annonciations confondues
Et c’est ainsi que nous revenons à l’Annonciation de Francesco del Cossa. Daniel Arasse voit dans l’escargot qui en marque la base le pendant au sol de Dieu dans le ciel. Affaire de construction et de symétrie. Les savantes analyses de Daniel Arasse dépassent celles de Talpa. Mais…mais pourquoi ne pas voir dans cet escargot et sa coquille une émanation divine ? Dieu n’a pas été créé. Peut-être s’est-il engendré, par nécessité intérieure ? L’Annonciation de del Cossa réunirait donc la pensée de Paul Valéry, la nécessité intérieure de Tchouang-tseu, le Verbe performatif devenant réalité concrète confondant l’éternité, l’énonciation ponctuelle, le futur contenu dans le présent, lui-même continuation du passé.
Enfermer ou dépasser ?
Notre époque a pour principale occupation d’enfermer, d’étiqueter, de cloisonner afin de mieux produire, paraît-il. Si la spiritualité et l’art nous sont utiles, indispensables, c’est en cela qu’ils font littéralement exploser ces cadres qui assèchent l’imagination et la pensée. La paranoïa aurait-elle du bon puisque l’étymologie de ce mot signifie « à côté de l’entendement ». Dieu serait-il paranoïaque ?