D’une exposition l’autre, des liens qui nous créent

D’une exposition l’autre, des liens qui nous créent

27 mai 2022 Non Par Paul Rassat

Penone succède à de Vries à l’Abbaye d’Annecy-le-Vieux sous la houlette de la Fondation Salomon. Une exposition se contente-t-elle de suivre l’autre?

H. de Vries

Le jardin zen

La première était un jardin zen que l’on emporte avec soi. Une méditation qui nous accompagne comme l’odeur de lavande habitait alors l’Abbaye.

La révélation

Avec Penone, besoin d’y revenir. Replonger dans l’exposition comme dans un plat dont le goût et la flaveur s’enrichissent, s‘approfondissent, se creusent au fil de la conversation. Penone affirme qu’il se contente de révéler ce qui est déjà dans la matière. Démarche philosophique, maïeutique platonicienne.

Enlever le voile

Révéler signifie « découvrir, mettre à nu, dévoiler ». Le contraire de « voiler ». Il s’agit de faire apparaître dans sa totalité une personne, un fait…avec tous les liens qui les relient à l’histoire, à la société, au contexte, au temps. Contraire absolu de ce que les talibans exigent des présentatrices TV afghanes. En voilant le visage, on décontextualise l’information présentée comme indiscutable, neutre, absolue. Sous le voile-u propre et au figuré- toute nuance disparaît.

Révéler

« Svolgere la propria pelle » est le titre d’une œuvre de Penone.  «  Révéler sa propre peau » est un assemblage, à la fois image, frottis, impression qui révèle la surface en profondeur. C’est aussi l’image d’une radiographie et d’une photographie argentique émergeant dans le bac de produit révélateur.

Penone

En bonne intelligence

Retourner voir l’exposition, c’est retourner voir Penone, sa peau, le jeu entre la surface des choses et l’intérieur. La peau, l’intérieur végétalisé d’une boîte crânienne, la plaque de marbre-montagne. Les veines du marbre deviennent réseau sanguin, fleuve. L’osmose opère entre le biologique et le minéral. Retourner voir Penone, c’est donc enrichir la nuance, travailler à révéler entre les œuvres et nous-mêmes des liens qui nous révèlent. Des liens qui, étymologiquement, nous permettent de vivre en bonne intelligence. Liens qui nous révèlent palimpsestes. Le travail de Penone pour une exposition à la galerie Conrad Fisher avait consisté à frotter les murs pour qu’apparaissent les traces d’expositions précédentes. Nous frottons notre mémoire pour qu’en émergent des souvenirs, des émotions, l’enfant que nous étions et que nous sommes encore. Nous sommes notre propre madeleine de Proust.