Entrez sans frapper

Entrez sans frapper

16 novembre 2024 Non Par Paul Rassat

Entrez sans frapper est une performance théâtrale qui se donne dans plusieurs chambres d’hôtel. Le principe ? 7 scènes se jouent en même temps dans 7 chambres. 4 spectateurs assistent à l’une d’elles et font successivement le tour des chambres et l’ensemble se déroule en deux circuits différents, soit 14 chambres et 14 scènes. La « représentation » vue le 11 novembre se tenait aux Trésoms, à Annecy.

Du théâtre en chambre ? La camera peut être oscura, ce dispositif qui cache et révèle. Sans oublier la chambre de justice. Alors, aux spectateurs de juger. Le dispositif les rend presque partie prenante du jeu : saisissant !

Conversation avec  Stéphanie Doche et Pierre-Louis Lanier

«  Entrez sans frapper », ça évoque un peu « Faites l’amour, pas la guerre ». Un titre non violent. Plus sérieusement, d’où vient le titre ?

Il est très compliqué de trouver un titre quand on monte un projet. Celui-ci était provisoire …il est devenu définitif. L’idée ? Nous sortions d’un projet nommé Embouteillage pour lequel nous cassions déjà les codes. Si nous adorons jouer dans les théâtres, nous aimons bien en sortir.

Ce que vous proposez avec Entrez sans frapper est un concentré : une chambre, un huis clos, un temps de quelques minutes pour chaque scène.

C’est une contrainte d’écriture, raconter en huit minutes une scène qui comporte un début, un milieu et une fin. Une tranche de vie, une histoire par chambre. Pour établir le parallèle, en littérature ce serait des nouvelles.

Ou bien une série avec des épisodes de chambre en chambre, et deux saisons puisqu’il y a deux circuits.

Il y a même une série où ce ne sont jamais les mêmes personnages. Ici, le personnage principal est la chambre, elle est le fil conducteur et, par définition, l’intime. C’est cette unité de lieu qui génère tout le reste. Nous pourrions y raconter plein d’autres histoires.

Les spectateurs sont tellement pris dans cette proximité qu’ils auraient envie d’intervenir dans certaines situations. Au temps de Molière une partie des spectateurs étaient installés sur la scène.

Mais à l’époque de Molière le public était invité à participer, à donner son avis, éventuellement à agir dans la trame un peu comme dans la Commedia dell’ Arte. Là ce n’est pas le cas. Nous avons demandé aux acteurs de supprimer toute théâtralité. Ils appliquent les codes du cinéma, le public, c’est la caméra. Ils sont en gros plan tout le temps et travaillent de manière hyper réaliste. C’est d’autant plus le principe du cinéma qu’ils reprennent la même scène plusieurs fois d’affilée, quatorze fois ! Comme c’est une activité humaine et un exercice physique, certaines prestations sont plus réussies que d’autres. Le jeu n’est pas linéaire, il comporte des coups de moins bien ou d’euphorie.

Lorsqu’on arrive dans l’espace de la chambre, on se demande où on va s’installer, si on va gêner.

Les acteurs doivent s’adapter et ne rien montrer de ces ajustements. Rien n’est figé au niveau des placements. Nous avons beaucoup travaillé sur le canevas, sur les liens entre les personnages, les enjeux de la scène, à eux de rester dans leur jeu. C’est plus facile sur scène parce que les lumières font barrière avec la salle ; on sent la salle sans vraiment la voir. Là les gens sont très proches, on peut reconnaître un ami, il y a la présence, les odeurs, c’est un exercice difficile.

Vous avez écrit les textes tous les deux ?

Nous sommes un peu des sociologues sans diplômes. Nous sommes arrivés dans ce métier pour raconter les gens, tous les gens. Ceux avec lesquels on a grandi, les gens qui partagent nos vies, les gens du quotidien. Ce sont des moments de vie, de nos vies, de celles de nos voisins, de notre famille. Nous racontons des choses très ordinaires mais y faire entrer le public en fait de l’extraordinaire. C’est ça le théâtre : à partir du moment où l’on invite le public à regarder, l’extraordinaire est là.

Vous nous rendez un peu voyeurs.

Qui n’a jamais été tenté de voir, d’entendre ce qui se passe dans une chambre d’hôtel ? D’autant plus que le voyeurisme fait désormais partie de nos vies. Les gens se racontent sur les réseaux sociaux, ils disent les moments les plus intimes de leur vie et d’autres regardent.

Aux Trésoms chaque chambre est une bonbonnière. Est-ce que le lieu influe sur le jeu ?

Nous n’en sommes pas sûrs. Le plus important est que les comédiens se sentent bien là où ils sont. La chambre qu’ils ont investie devient la leur. Mais ce qui nous révèle véritablement dans ce projet n’est pas la forme. Nous nous retrouvons dans ces petites histoires du quotidien. Ceux qui connaissent notre travail, nos spectacles, ne sont pas étonnés de nous voir raconter nos contemporains, le quotidien. Certains spectateurs nous disent qu’ils  se reconnaissent dans tel ou tel trait d’un personnage. C’est une satisfaction de constater qu’en partant d’un détail, du quotidien, il est possible de toucher à l’universel.

Entrez sans frapper

15 / 16 /17 / 18 / 22  / 23 : 24 / 25 novembre aux Trésoms Annecy. 1er et 2 février 2025 à Aix-les-Bains.