Ersin Karabulut, Journal inquiet d’Istanbul

Ersin Karabulut, Journal inquiet d’Istanbul

19 septembre 2022 Non Par Paul Rassat

C’est bien d’un journal qu’il s’agit. Ersin Karabulut y retrace son enfance et son arrivée dans le monde du dessin et de la bande dessinée. « J’imagine que l’enfant que j’étais à huit ans a été transplanté en moi par Dieu…Il ne fait qu’observer ce qui se passe dehors. » C’est le point de départ de ce récit autobiographique. Ersin y suit ce conseil reçu un jour « Intéresse-toi aux problèmes du quotidien. »

Le sens de l’observation critique

Défile alors l’histoire récente de la Turquie. Ses profondes dissensions prennent racine dans le pro ou l’anti kémalisme. Modernité contre tradition. Comment être soi, trouver sa place dans ce maelstrom qui débute dans les années 70 ? Il y avait même à l’époque un type de moustache de gauche et un autre de droite !  Inflation, racket, assassinats, attentas, anarchie, terreur entraînent l’arrivée au pouvoir des militaires. Ce sera ensuite Erdogan.

Comment devenir soi-même

Pour être soi-même, il faut d’abord se défaire de l’endoctrinement, de la propagande subis depuis l’enfance. Il faut risquer de ne pas suivre le mouvement général. Développer son esprit critique. Affronter sa propre peur, celle de son entourage. C’est un long chemin de construction qui se fait à partir d’un malaise. Le sentiment de ne pas être à sa place. De vivre pour faire plaisir alors que l’on remarque l’hypocrisie chez les uns, la peur chez les autres.

La voie médiane

Entre les excès du pouvoir et la soumission de nombreux citoyens s’ouvre un chemin. Celui du dessin, de la caricature et de l’humour. C’est celui que choisit Ersin Karabulut. Il lui reste cependant une étape à franchir. La découverte d’un milieu libre, heureux l’a séduit chez les dessinateurs. Sa notoriété naissante lui permet d’emballer les filles. Mais le dessin ne se limite pas à cet horizon immédiat. Il est un contre pouvoir qui défend la liberté et la démocratie. Pour l’exercer pleinement, il faut accepter de prendre des risques. C’est peut-être cette attitude qui nous donne notre véritable place.

Un album qui fait du bien

Cet album arrive alors que la Turquie est au centre de nombreux enjeux. Il rappelle aussi que même en France le dessin peut être une prise de risque et que les extrémismes resurgissent régulièrement. Même par le biais d’élections.