Esprit critique,théorie du complot, logique, fake news

Esprit critique,théorie du complot, logique, fake news

3 février 2021 Non Par Paul Rassat

Logiques dure et molle

La logique mathématique s’impose naturellement comme celle qui, mieux que toute autre, garantit des résultats justes et sûrs, mais les êtres humains ne raisonnent pas selon cette logique solide, carrée, binaire. Au contraire, nous cogitons de manière élastique, acceptant qu’un énoncé puisse être à demi correct, évalué le long d’un continuum reliant le vrai et le faux. Serait-ce un défaut de l’esprit humain, ou bien une nécessité liée à notre condition ? 

Nicolas Gauvrit

Internet peut favoriser la crédulité

Internet fixe l’oralité et rend permanents les récits. Une mutualisation des arguments renforce les croyances. Les faisceaux d’informations qui se renforcent n’ont pas besoin d’être vérifiables pour convaincre le surfeur, qui, par définition, surfe à la surface des données et va ainsi au plus accessible intellectuellement. La masse d’arguments cumulés devient incontestable. Elle a la force d’une vague contre laquelle il est impossible de lutter en séparant et en examinant chacune des gouttes qui la composent.

La théorie du complot

S’appuyant sur ce processus, la théorie du complot devient vite rassurante. Elle offre une explication cohérente à des séries d’événements qui  relèveraient sinon soit du hasard, soit d’enchaînements beaucoup plus subtils et volatils. Or nous avons besoin d’être rassurés, même en matière de catastrophes, voire de fin du monde dont l’annonce revient régulièrement. La certitude, même négative, est préférable au doute. Étymologiquement le complot vient de la complote, un rassemblement dans une bataille. Certains organisent des théories autour du complot et en font leur pelote.

Intelligence et doute

Selon Kant « On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter. » L’intelligence collective liée à l’usage d’Internet questionnerait donc la définition de l’intelligence. Elle contribue à réduire la quantité d’incertitudes tout en demeurant une forme d’intelligence au sens étymologique : elle crée des liens, un réseau. Si l’on pousse le sens du mot intelligence jusque dans ses limites, il est même possible d’être en intelligence avec l’ennemi !

Esprit critique

Le chapitre La science de l’esprit critique reproduit à ce propos la taxonomie de Benjamin Bloom sous la forme d’une pyramide dont la base consiste à Reconnaître (Récupérer l’information). Le premier niveau, Comprendre (Traiter l’information). Le deuxième, Appliquer (Mobiliser ses connaissances). Le troisième, Analyser (Identifier les parties d’un tout). Le quatrième, Évaluer (Estimer et juger). Le cinquième, Créer (Concevoir une idée originale.

Ce chapitre cite une échelle de mesure standardisée de l’esprit critique mise en place par l’Éducation Nationale (Laboratoire CHART/EPHE). Il y est question d’interprétation du sens, des sous-entendus, de l’ironie d’un texte. D’analyse des relations logiques. De l’évaluation de la pertinence d’un argument. De l’inférence qui regroupe les raisonnements déductif, probabiliste et inductif. D’explication pour formaliser, communiquer, justifier, réfuter. Qu’il s’agisse de la pyramide de Bloom ou bien de la grille formalisée pour l’Éducation Nationale, les deux démarches aboutissent à une création, seule étape qui permet de dépasser le simple apprentissage en lui donnant sens et vie. En rattachant ce qui est appris et maîtrisé à une motivation personnelle qui le fait vivre et l’inscrit ainsi dans les connaissances.

Infox versus fake news

Fake news ou bien infox ? Vaut-il mieux être intoxiqué en anglais ou bien en français ? L’infox rappelle ce bon vieil insecticide qu’était le Flytox, mais en français. Le mot présente l’avantage de contenir en lui-même sa propre négation : info et intox à la fois. La fake news est une nouvelle mais pas forcément une information. D’autant plus qu’elle est donnée pour fausse. On lui confère malgré tout le statut de l’information, comme Donald Trump avait celui de Président des USA. Une fois lâchée, l’information ne peut plus être contredite ou démentie sans difficulté. Elle impreigne les esprits. Les intoxique. Christian Morel analyse un processus comparable en matière de décisions dans ses ouvrages Les décisions absurdes. Même dans le domaine scientifique, qu’il est difficile de revenir sur une décision qu’on sait erronée!

Bibliographie

Les références bibliographiques qui appuient le texte forment une arborescence particulièrement utile aussi bien pour l’enseignant, l’étudiant que pour tout lecteur. Parmi lesquelles

Éditaupe #11

Cet article constitue l’Éditaupe#11 dont le véritable titre apparaît à la fin car en creusant la taupe a perdu de vue sa propre galerie. Elle en reprend le fil pour un

Dialogue de taupes

— Pour Nietzsche la bêtise est nécessaire à l’apprentissage.

— Jerphagnon et d’autres philosophes affirment que la bêtise n’est pas opposée à l’intelligence.

— Tu remarqueras que plein de taupes disent « Ce que je suis bête ! » lorsqu’elles font une bêtise.

—  Ce qui est une façon de dire qu’elles ne sont pas bêtes puisqu’elles s’en rendent compte.

— T’es bête avec tes trucs intellos.