Étienne Klein « Le futur est-il déjà présent ? »

Étienne Klein « Le futur est-il déjà présent ? »

22 septembre 2021 Non Par Paul Rassat

« Le futur est-il déjà présent ? » Tel était le titre de la conférence tenue par Étienne Klein à l’invitation de la Fondation de la Maif pour la recherche. Voici un bref aperçu qui tente d’être le plus fidèle possible à un passage de cet événement.

Un futur imprévisible

  Aujourd’hui le futur est laissé en jachère intellectuelle. Personne ne sait dire comment sera 2050. Personne ne sait dire comment sera 2100. Ça crée une forme d’angoisse…Étienne Klein évoque ici le renversement du sens de la marche imposé aux poussettes dans les années 90. Jusqu’alors l’enfant regardait la personne qui le poussait et lui était connecté. Il s’est ensuite retrouvé dans le sens de la marche, face à des personnes inconnue à cause des congés de paternité en Suède et de la mode du jogging. Il fallait pousser en courant !Olivier Rey raconte ceci. Aujourd’hui les poussettes sont réversibles. Les parents ont le choix. Celui de voir le futur en face?

Impossible d’être à la fois crédible et attractif

Avant, le discours des scientifiques qui éclairaient le futur étaient crédibles et attractifs. Aujourd’hui, les scientifiques qui travaillent sur le climat, sur la biodiversité…n’ont pas un discours attractif du tout. D’où cette contradiction qui met le progrès en porte-à-faux. Quand c’est crédible, c’est pas attractif. Quand c’est attractif, c’est pas crédible.

Fuir la réalité scientifique

La première responsabilité des scientifiques est de faire entendre ce qu’ils savent. Mais il y a différentes formes de connaissances scientifiques. Certaines sont fondamentales mais n’ont pas d’effet sur nos façons de penser, ni sur nos façons de vivre, comme la découverte du boson de higgs… Il y a aussi des découvertes scientifiques qui sont des vérités qui dérangent parce qu’elles nous obligent à repenser nos modes de vie, à repenser l’idée même de nature. Nous développons alors toutes sortes de stratagèmes intellectuels pour ne pas croire ce que nous savons, pour contester ces résultats.

Confusion volontaire entre science et recherche

La pandémie a été un festival. La mise en scène de la recherche et de la science a fait croire qu’elles sont la même chose….Le public n’a pas fait preuve d’un grand esprit critique quand ce qu’il entendait était conforme à ce qu’il espérait. La science est ce qu’on considère comme les bonnes réponses à des questions bien posées. On peut contester ces vérités scientifiques à la condition d’avoir des arguments scientifiques pour le faire. Comment remettre en cause que la Terre est ronde et non pas plate ? L’atome existe, c’est acquis. Les espèces vivantes évoluent, c’est acquis… Mais ce corpus de connaissances acquis et stabilisé est, par définition, incomplet. Il pose des questions. Est-ce qu’il existe une vie extra terrestre ?… On fait des recherches. Le moteur de la recherche et son combustible est donc le doute. Le doute se déplace en conséquence.

Le fameux doute

Quand vous confondez la science et la recherche l’idée de doute qui est consubstantielle à la recherche vient coloniser l’idée même de science. On en arrive à dire « La science c’est le doute. » Et si la science, c’est le doute, moi, avec mes ressentis, mes croyances, mes connaissances, ma culture, je suis autorisé à dire ce qu’il faut penser de tel ou tel sujet scientifique qui fait l’objet d’une controverse. D’autant plus que je vois sur les plateaux de télévision des experts qui ne sont pas d’accord entre eux. Ceci produit des effets ravageurs. Il faut signaler qu’un scientifique qui intervient dans les médias ne devrait jamais parler à la première personne. Il devrait dire « Nous savons que… » Pour signifier qu’il y a une communauté qui a discuté, qui a travaillé. Les résultats ont été soumis au regard critique des autres. On a pu retravailler pour répondre aux questions posées par la discussion… Dans le cas de l’atome, la discussion a pris 2500 ans !…       

Savoir et se demander si     

« Nous savons », c’est la science. « Nous nous demandons si », c’est la recherche. Mais on a préféré organiser des joutes entre des experts dont on savait qu’ils n’étaient pas d’accord parce que les questions débattues dépendaient de la recherche, qui n’en avait pas encore donné les réponses.

Conclusion de Talpa

On comprend mieux ainsi la difficulté d’apprendre les conjugaisons en milieu scolaire. Comment associer son avenir personnel et un futur collectif alors même que le présent fait débat ? Dans le même temps le passé est manipulé, le conditionnel est incertain.