Être Mylène Besson, artiste
24 juin 2025Extraits de REGARD, publié en 2005. Mylène Besson y livre l’absence de recette nécessaire au travail d’ artiste. Il lui faut être sa propre matière pour être Mylène Besson, artiste.
— Je suis devenue peintre sans en avoir conscience. C’est comme si la vie avait décidé pour moi…Depuis, ce dialogue avec la matière ne m’a plus quittée…je suis à l’intérieur de moi dans un lieu « en retrait » qui est un lieu très réceptif, très perméable, un lieu de conscience, de désir. Quand je lis, quand je regarde de la peinture, c’est ce lieu là que j’approvisionne. Mes peintures sont issues de ce lieu…Je crois que je transforme le « trop plein » du désir en mélangeant ma tête avec mes mains…Faire cohabiter et émerger le monde intérieur, animal profond avec et dans le monde extérieur. C’est cela qui est difficile. Trouver sans cesse l’équilibre.
Être peintre c’est être moi, c’est la même chose. Je vis, réfléchis avec la peinture…Peindre c’est être en chemin.

Conversation
Lors d’une conversation, Mylène remarquait :
» Je n’ai pas d’intention. J’essaye d’être au plus proche de ce qui m’anime. Ma recherche est vraiment là. Sur quoi poser ce désir ? La matière m’enchante parce qu’elle est toujours magique. De l’eau, de l’encre qui coule…c’est toujours tremblant, fragile. Je n’en suis pas maître. Beaucoup de choses m’échappent, se bagarrent en moi. En même temps la représentation est une puissance. Elle permet de se fasciner soi-même. La représentation d’un visage, d’un sexe, d’un corps apporte ça.
Être plutôt que vouloir
Il faut se soumettre, s’abandonner, ne pas vouloir conduire pour que ce que l’on a produit soit une forme de domination qui permet de s’emparer de la chose représentée… Curieusement c’est une soumission, un abandon à ce que l’on voit pour pouvoir l’attraper. Si l’on n’arrive pas à faire quelque chose, c’est qu’on n’a pas bien regardé. On ne s’est pas assez abandonné à ce qu’on voulait.
Ce qui vient, ça vient. Au point que parfois je ne sais pas si je suis satisfaite ou non de ce que j’ai fait. Mais ce temps passé m’a nourrie.

Saisir le présent
Le quotidien ne nous alourdit pas. Il ne faut pas le subir mais se l’approprier. Les philosophies qui te renvoient au présent sont très belles. Mais, le présent, il faut s’en emparer. Il faut y être attentif sinon il t’échappe. L’espoir nourrit la curiosité nécessaire. J’ai découvert la philosophie de Spinoza. Il a cherché une philosophie pour être heureux. À partager. Comment se débarrasser de toutes ses passions tristes qui nous envahissent. Tout ça travaille en même temps et donne des images dont je ne sais pas comment elles me viennent. Elles sont des surgissements. J’ai toujours peur qu’ils ne se produisent plus. En réalité, j’ai besoin d’avoir peur. De risquer, de m’aventurer, d’essayer un truc. Comme je vais y passer plusieurs mois, il faut que ce soit fort. Et en même temps, un rien peut me faire démarrer ! »