Évasion
2 novembre 2024À trop voir la réalité en face, nous désirons vivre nos rêves, tiraillés entre la première et les seconds. Cette grande évasion produit souvent un feu d’artifice dont le souvenir alimente les rêves. Photographies Christophe Rassat.
Rêver
« Nul ne le vit débarquer dans la nuit unanime… Le dessein qui le guidait n’était pas impossible, bien que surnaturel. Il voulait rêver un homme : il voulait le rêver avec une intégrité minutieuse et l’imposer à la réalité… Sa victoire et sa paix furent ternies par l’ennui. Dans les crépuscules du soir et de l’aube, il se prosternait devant l’image de pierre, se figurant peut-être que son fils exécutait des rites identiques, dans d’autres ruines circulaires, en aval…Le terme de ses réflexions fut brusque…les ruines du sanctuaire du dieu du feu furent détruites par le feu.
Être rêvé
Dans une aube sans oiseaux le magicien vit fondre sur les murs l’incendie concentrique. Un instant, il pensa se réfugier dans les eaux, mais il comprit aussitôt que la mort venait couronner sa vieillesse et l’absoudre de ses travaux. Il marcha sur les lambeaux de feu. Ceux-ci ne mordirent pas sa chair, ils le caressèrent et l’inondèrent sans chaleur et sans combustion. Avec soulagement, avec humiliation , avec terreur, il comprit que lui aussi était une apparence, qu’un autre était en train de le rêver. »
Jorge Luis Borges Les ruines circulaires
Rêver l’évasion
Tiraillés entre la réalité et le rêve, nous nous réfugions dans celui-ci en croyant fuir la première. En réalité, nous sommes agis par le rêve de quelqu’un d’autre, comme nous sommes traversés par le langage davantage que nous disons.