Gabriele Münter
5 avril 2025Gabriele Münter Les terres bleues de Mayte Alvarado est un hommage à la compagne de Kandinsky et bien plus que cela. Cet album se glisse poétiquement dans la vie de l’artiste, dans l’art lui-même. « …pour en finir avec les frontières entre art ancien et art moderne, entre créateurs de toutes sortes, entre musique et peinture… Pour tisser des liens entre les différentes manifestations artistiques au-delà du temps et de l’espace, et ainsi éclairer le futur de l’art. »
Les jours s’en vont je demeure écrit Apollinaire à qui l’on peut répondre, en simple écho Les jours demeurent je m’en vais. Mais j’ai œuvré à la création artistique.

Besoin intérieur
« Le besoin intérieur de l’artiste n’est-il pas le principe sur lequel l’art doit se fonder ? » affirme Kandinsky dans le livre de Mayte Alvarado. Dans Dieu et l’univers Jean-Marie Pelt souligne : « Et chacun de rêver à l’absolu, à l’immortalité, à l’éternité, au paradis, fût-il artificiel. L’idée de Dieu « suinte » de cette impression confuse d’un manque, d’un vide, comme si l’homme projetait dans cet absolu ce qui lui fait présentement défaut et suscite sa nostalgie. Aussi est-il parfaitement légitime de dire, comme le font les athées, que « Dieu est une créature de l’homme » dans laquelle celui-ci se projette pour s’accomplir en rêve dans un au-delà qui n’est qu’une création de son imaginaire. »
Créer, c’est vivre l’œuvre
La réponse de l’art n’est pas imaginaire. Et il est possible de se demander si la création artistique n’est pas d’ordre sacré. À condition de distinguer la création purement vivrière et celle qui répond à un « besoin intérieur de l’artiste. » Dans L’homme et la coquille Paul Valéry souligne : « C’est à elle [Nature] que nous donnons à produire tout ce que nous ne savons pas faire, et qui pourtant nous semble fait… Une coquille émane d’un mollusque. Emaner me semble le seul terme assez près du vrai, puisqu’il signifie proprement : laisser suinter…un mollusque émane sa coquille….Je ne sais que ce que je sais faire… Mais la fabrication de la coquille est chose vécue et non faite. »



Retour à Tchouang-tseu
Jean-François Billeter souligne, sa lecture de Tchouang-tseu l’importance de connaître le fonctionnement du corps, de l’associer à l’esprit pour répondre à une nécessité intérieure en créant. Et en créant être libre. « What else ? » dirait l’autre.
Authenticité, nécessité intérieure
Je remarquais ce matin avec mon boulanger ( pourquoi ce mon possessif ?) qu’il ne vend pas de palmiers. C’est parce que les gens peuvent en acheter partout, fabriqués industriellement. Les clients finissent par préférer les faux palmiers aux vrais. Que faisons-nous de nos nécessités intérieures, de nos désirs vrais ? L’art, lui, peut nous y « reconnecter ». C’est ce modeste tour de force que réalise ce magnifique album graphique dont les couleurs plongent dans la nature, dans le temps, dans les personnages. En nous.