Glières, le prix de l’Histoire
9 décembre 2025Extraits d’interview de Georges Guidollet, alias Ostier, préfet intérimaire et résistant, par Bernard Favre. Nous avons retenu de cet échange le passage qui concerne le plateau des Glières. Tout jeune homme, Georges Guidollet a commencé à faire passer la ligne de démarcation à de nombreuses personnes, parmi lesquelles Marc Bloch. En janvier 1944, son courage et son dévouement sont récompensés lorsque Marc Bloch et le directoire des Mouvements Unis de Résistance (M.U.R.) de Lyon lui confient la direction de l’échelon départemental de la Haute-Savoie. ( Photo : le cimetière de Morette – site de la mairie de Thônes-)
Ces extraits nuancent le regard que l’on peut porter sur le plateau des Glières. Ils n’enlèvent rien au courage et à la mémoire des Résistants, mais disent à quel prix se construit l’Histoire.
— Bien que je n’aie pas eu une entente très cordiale au début avec Cantinier qui était le délégué de Londres, et en somme le patron militaire puisque les parachutages c’était lui, les affaires d’argent c’était lui aussi… Au début nous nous sommes accrochés souvent parce que nous n’avions pas les mêmes vues. Ainsi le plateau des Glières. Dans une réunion qui s’est tenue pour le plateau des Glières, la plupart des militaires étaient très peu chauds, Morel lui aussi. L’armée a une grande qualité qui peut être un défaut, les militaires étaient au garde-à-vous devant Cantinier. Moi je n’avais aucune difficulté à être contre. Au début je n’étais pas très chaud ; j’ai fini par me ranger à cet avis étant donné que c’était la chose la plus simple : tous les parachutages passaient par Cantinier. Il nous fallait absolument nous imposer au plateau des Glières pour apporter la preuve que la Résistance existait. Il fallait selon Cantinier franchir un pas dans tous les conflits éventuels. Pour lui, la clé était le plateau des Glières. Tous les militaires se sont donc rangés à son avis ; et moi j’ai fini par le suivre et me ranger à leur avis. Je ne sais pas si je n’ai pas eu tort, mais enfin la question n’est pas là.

Vous avez l’impression que Cantinier agissait de son propre chef ou bien que l’ordre venait de Londres ?
Un général s’occupait de ça à Londres. Cantinier et lui ont dû se mettre entièrement d’accord. C’est vrai que la Résistance à Londres n’était pas traitée avec mépris mais elle était traitée avec indifférence. Ils ne voyaient pas comment on pouvait se mettre à attaquer des Allemands beaucoup plus nombreux que nous et d’une autre force. Que la Résistance n’ait pas été prise au sérieux à Londres ne m’a jamais surpris.
La Résistance était un peu le pot de terre contre le pot de fer.
Malheureusement.
Ses actions, mêmes si elles n’étaient pas toujours efficaces, n’étaient pas sans conséquences sur le moral allemand.
Certainement…
Vous avez eu un rôle de négociateur entre les FTP et d’autres.
C’est le terme qui convient…Au début je n’étais pas monté au plateau parce que je ne voyais pas ce que j’avais à faire là-bas. Je ne pouvais pas faire l’arbitre entre l’AS, l’Armée Secrète et les FTP. La bataille a été perdue, mais dans des conditions très particulières. La plupart des FTP avaient quitté le col dans je ne sais quelles conditions. Je n’étais pas au courant. Ils ont eu du mal parce que l’armée allemande les avait serrés de près. Ils ne se sont pas battus contre les Allemands ; ils se sont sauvés, si on peut dire.
Georges Guidollet aborde aussi dans cet entretien les désaccords sur la répartition des armes larguées entre les FTP et l’ AS ( Armée Secrète). L’Histoire se construit avec des hommes, et donc avec leurs limites. Il faut lire entre les lignes de ce témoignage.
Sur le site Magnétique Haute-Savoie, on peut lire :
« Le 1er août 1944, des B17 américains survolent le plateau des Glières et parachutent 120 tonnes d’armes et de munitions. La veille, les combattants de la Résistance ont été informés de cette opération par un message radio : « Sur mon balcon, je ferai pousser des volubilis ». 3000 hommes sont mobilisés pour sécuriser le plateau des Glières et récupérer le matériel. 36 heures de travail sont nécessaires pour tout récupérer. Les armes sont ensuite distribuées et serviront aux combats de la Libération. »

