IDÉAL
1 septembre 2024IDÉAL est un album de Baptiste Chaubard et Thomas Hayman. Gros livre qui compte peu de dialogues. Les choix graphiques, la concision ou l’absence de dialogues laissent place au lecteur et servent l’intention des auteurs. Tout le récit se nourrit des oppositions entre l’idéal et l’accidentel. Le vieillissement, l’âge et donc le temps dans sa durée constituent un point de départ. Les couples désir-sacrifice, original-copie, jeu et supercherie alimentent le livre.
L’autre et soi
Les IAH sont des robots à capacité sensitive. « On les trouve principalement dans les maisons closes européennes. » Ils analysent, interprètent et adaptent leur comportement à celui des autres. Ils répondent aux désirs des humains mais ne les éprouvent pas eux-mêmes. Ce livre est d’autant plus intéressant que son propos se déroule au Japon, dans une île qui, officiellement, bannit les IAH et tous les produits de synthèse. La relation à la nature y est encore naturelle. Aux enjeux philosophiques, sociétaux, s’ajoute une dimension politique qui permet de poser la question de l’identité et de l’autre. Celle-ci a déjà été explorée dans Les animaux dénaturés, de Vercors. Ou, par exemple, dans le film L’homme bicentenaire. C’est en réfléchissant à l’autre que nous établissons les limites et l’identité évolutives de nous-mêmes.
Une fin ouverte
L’équipe de BD Fugue Annecy apprécie diversement la fin ouverte d’ IDÉAL . Talpa les affectionne car elles laissent le champ ouvert à l’imagination et à la spéculation. L’histoire ne se referme pas à la dernière page. Vous l’emportez avec vous. Clore IDÉAL de façon rationnelle lui enlèverait, de surcroît, sa dimension fantastique. L’ambiguïté finale ne fait que prolonger et ouvrir celle qui parcourt toute l’histoire. La réponse à toutes nos questions est dans le titre. L ‘idéal existe-t-il ailleurs que dans nos esprits ? Par définition, il est impossible à atteindre. Nous vivons dans des approximations, aussi parfaites soient-elles. Nous sommes nous-mêmes des accidents qui se produisent par hasard contrairement à ce qui relève de l’essence. Au fond, le véritable thème du livre ne serait-il pas la solitude marquée par la frontière entre soi et soi?
IDÉAL est un livre inspirant.