Images hispano-américaines, vingtième !
15 mars 2025Rencontre avec Luc Rodriguez, Président de l’ADCH pour évoquer les 20 èmes Images hispano-américaines qui se dérouleront à Annecy du 28 mars au 6 avril 2025.
La programmation révèle une approche très sociale.
Les films et les réalisateurs sont le reflet de leurs pays, de la vie quotidienne. Il est plus intéressant de parler de ce qui ne va pas. C’est vrai, la démarche est un peu documentaire, enveloppée dans le joli papier cadeau de la fiction, mais le fond relève d’un contenu social profond. Effectivement, derrière chaque film, chaque histoire sélectionnés, il y a une crise sociale. C’est une constante d’une édition à l’autre, de décrire la société telle qu’elle est. Chilienne, colombienne, mexicaine, péruvienne, cubaine, ces sociétés sont en perpétuel mouvement, bouillonnantes, avec une actualité qui ne cesse de se renouveler au point qu’il est difficile de la suivre, en particulier pour nous, en France, en Europe. Les médias ne rendent pas toujours compte, de manière générale, de ce qui se passe là-bas. Par ses liens culturels, l’Espagne en est beaucoup plus proche. En France, nous n’accordons que très peu de temps à ce qui se passe dans ces pays, sauf à l’occasion d’un tremblement de terre, d’une dictature.
Ça dépend du nombre de morts.
Un peu. Ça devient presque de la statistique. En revanche les adhérents de l’association, nous sommes liés par notre métier ou par nos racines hispano-américaines à ces thématiques. On nous reproche parfois de sélectionner des films pas très drôles mais nous regrettons nous-mêmes la rareté des comédies. Nous n’allons pas chercher ces films, ce sont ces films qui viennent à nous.
Qu’est-ce qu’ils apportent à un spectateur français ?
Un autre regard sur des thématiques qui ne sont finalement pas si lointaines des nôtres. C’est un échange et un enrichissement mutuels…je l’espère. Nous sommes sensibilisés à l’écologie, par exemple. Nous savons ce que pourrait être le futur, eux aussi. Mais leurs problématiques ne sont pas traitées de la même façon ; elles ne sont d’ailleurs pas les mêmes qu’ici. El Agrónomo montre un jeune père de famille qui ne se rend pas compte des conséquences de son travail qui consiste à diffuser des pesticides sur les champs. Sa fille tente de lui en faire prendre conscience. Le film montre aussi des voisins qui tombent malades. Chez nous, on parle de pesticides quand il est question d’accords avec l’Amérique latine où l’on fait des choses qui nous sont interdites dans la Communauté européenne et qui posent le problème des produits importés.
L’événement se nomme Images hispano-américaines. Il est question d’images et non de films.
C’est Raoul Rodriguez, le fondateur de cet événement, qui a d’abord été un cycle et une biennale, qui a trouvé cette appellation. Nous sommes passés à un Festival il y a quatre ans. Images pourrait faire penser plutôt à une exposition photographique.
Une photo implique un regard, une focalisation.
C’est peut-être ce que Raoul avait envisagé, la réflexion est ouverte.
Ce sera la 20 ème édition en 2025.
Oui, l’association est là depuis un petit moment. Le passage de la biennale au festival annuel répond à une véritable attente. Nous sommes passés de 4700 spectateurs il y a deux ans à 6100 l’an dernier… Les plus grosses productions viennent d’Argentine, du Chili, de la Colombie et du Mexique. En Argentine, le président Milei a coupé toute aide financière au cinéma, ce qui fait que les jeunes cinéastes essayent de trouver des fonds ailleurs. L’Europe peut aider à compléter leurs budgets et lorsque certains producteurs français sont un peu frileux, ils prospectent en Suisse. On se retrouve parfois avec une production multinationale.
Chaque année la création hispano-américaine est ingénieuse, intéressante, indépendamment des réductions de budgets. Les jeunes réalisateurs s’inspirent de films existants et sont capables d’en faire des œuvres personnelles sur des thématiques sociales. C’est fort et très riche. Ils apportent leur marque.
J’espère que cette 20 ème édition sera « éclatante, inspirante et inoubliable », comme je l’écris dans l’édito qui présente l’événement.