Jean-Daniel Robert, poète

Jean-Daniel Robert, poète

6 mars 2025 0 Par Paul Rassat

Rencontré au Printemps des Poètes, à Annecy, Jean-Daniel Robert joue avec les mots, les montagnes, les liens du temps, des souvenirs, des sensations qui associent le corps et l’esprit. Il est arpenteur du texte et poète de la marche (à ne pas rater).

Quelle drôle d’idée que d’écrire de la poésie !

C’est une remarque très juste, il faut assumer (rires). Je me dis souvent que nul n’est poète en son pays.

D’où l’intérêt de voyager.

La poésie est une tournure d’esprit qui n’est pas partagée par tout le monde. C’est sans doute que beaucoup croient ne pas aimer la poésie, mais en fait ils ne la connaissent pas bien. L’école les en a dégoûtés avec la vivisection de textes : « Qu’est-ce que l’auteur a voulu dire avec ce mot ? » Parfois l’auteur lui-même ne sait pas ce qu’il a voulu dire. Aller dire un poème par cœur, au tableau, ma femme me confie qu’elle en était morte d’angoisse.

Si la poésie est une tournure d’esprit, c’est rassurant. Ça prouve que nous en avons un, et qu’il tourne ou peut tourner.

J’aime beaucoup le jeu de mots. Tourner, retourner les mots, je crois que c’est intéressant. Faire ressortir leur ambiguïté. Refuser ce qu’on nous impose comme des évidences ? Oui, pour moi c’est ça la poésie, même si j’ai quelques évidences dans ma tête. « 2 et 2 font 4 », je ne peux pas tellement me battre !

Légende des photos : le poète se déguste en recueils ou en brochette

Si, il existe plusieurs systèmes mathématiques dans lesquels 2 et 2 ne font pas 4.

Mais je ne les connais pas. Être poète c’est être curieux ? Oui, mais aussi arriver à dire ce qu’on ressent. Essayer en tout cas ! J’ai écrit des poèmes presque en marchant en moyenne montagne, voire un peu plus haut, comme l’Aiguille Rouge. On transpire, on sue, on se demande pourquoi on s’est lancé dans cette histoire… et puis ça réveille plein de trucs. Il y a d’abord la beauté de tout ce qu’on voit, mais aussi le combat avec soi-même pour ne pas baisser les bras. Je prends deux trois petite notes et après, il y a le ressenti qui vient. Je me suis rendu compte que je cherchais mon frère qui est mort en montagne. Je prenais un risque de dingue à faire seul le tour des Dents Blanches. Il fallait que je parle de ce frère, je m’y suis mis presque trente ans après. C’est du ressenti, la douleur et en même temps : « Salut frérot, t’as de la chance d’avoir fait de la montagne comme tu l’as fait ! » C’est un peu tout ça.

Je ne voudrais pas être classé : est-ce que je suis un poète du ressenti, du merveilleux, de la politique ? Je suis un peu tout ça. Je me cherche, je ne veux pas me laisser enfermer dans un style. J’écris aussi sur notre planète.

Qui devrait s’en sortir sans nous.

Elle s’en sortira peut-être sans nous si on se fout assez sur la gueule !