Jean- François Billeter « Nouvelles Esquisses »
11 décembre 2025Dans ce livre récent, Jean-François Billeter écrit que l’Europe est menacée par « la Russie de Poutine et les États-Unis de Trump ». L’Europe doit devenir une puissance pour résister. Elle doit devenir une république et « ce ne sera pas une rupture avec son passé, mais son accomplissement naturel. » Et d’enchaîner avec Marc Bloch, fusillé par les Allemands en 1944. L’historien avait compris que la cause profonde de la débâcle « a été le retard de la pensée, l’impréparation intellectuelle des dirigeants français, civils et militaires, de l’époque, voire de toute la classe dont ils étaient issus »
Inverser le point de vue
« Comprenons bien : ce n’est pas le peuple qui crée la république, mais la république qui crée le peuple. » En s’associant les individus créent un peuple. La république sera le dépassement des États-Nations par le haut, mais aussi par le bas grâce à des régions plus cohérentes.
Changer notre relation au monde
Jean-François Billeter rappelle ce mot de Mirabeau alors que le roi veut mettre fin aux États généraux : « La nation donne des ordres, elle n’en reçoit pas. » Mais il faut pour cela sortir de la stichomythie habituelle, du jeu de pingpong dans lequel s’ enchaînent des réactions davantage que des analyses et des réflexions. Et on retrouve alors l’auteur spécialiste de Tchouang-tseu. Il faut savoir « vouloir cesser de vouloir. » L’arrêt permet de changer notre relation au monde ; il nous permet de réaliser que nous pouvons le modifier. Le langage par lequel nous nous laissons souvent emporter ( modes, éléments prémâchés, biais…) est en réalité issu des gestes qui nous relient au monde. Faisons-les en pleine conscience.
Et voir qu’il y a d’autres mondes
« Conclusions : qu’il faut décrire les phénomènes que l’on nomme ; que l’étude des langues est indispensable pour passer d’un monde à l’autre ; que c’est un grand avantage de pouvoir passer d’un monde à un autre, car on découvre par là qu’il n’en est pas qu’un et que, lorsqu’on en connaît deux ou plusieurs, on peut les connaître du dedans et du dehors ; enfin que nous avons en nous le pouvoir d’en créer un nouveau… »
Ce que disent les mots
Ces très simples impressions de lecture appellent quelques réflexions. Il y a les mots qui nomment une création, et ceux qui signalent un affaissement ou une disparition, un retard de pensée. Comme le « faire société » apparu alors que la société se défait. Vite, une rustine. Quelqu’un rappelait qu’on évoque les racines chrétiennes de la France depuis que la religion chrétienne est en perte de vitesse. Se cramponner à un modèle qui s’effrite, en imaginer un autre ?
Une question d’échelle (parfois trop courte ?)
Et puis, le problème d’échelle. Un livre affirme qu’un centimètre carré du bleu de Vermeer ou plusieurs mètres carrés ne donnent pas la même perception du bleu en question. Transposons le raisonnement avec l’expression « On est chez nous ». Partons d’un hameau de 3 maisons, pour passer par un petit village, une vallée ( au-delà de laquelle vivent « les étrangers », une petite ville, une grande ville, une métropole, un pays, un continent, la planète, l’univers… « On est chez nous ! »
