La Halte de l’Abbaye (Cluny)
2 août 2025Divagations autour et dans un restaurant, La Halte de l’Abbaye. Divagations qui réunissent la nourriture, l’Abbaye et bien d’autres choses encore. Ne soyez pas pressés, nous arriverons bientôt au cœur du sujet que ce premier épisode effleure. D’autres le suivront.
Coquin
Le mot coquin est d’origine obscure. On pourrait le rapprocher du latin coquinus (adjectif), « de la cuisine ». Ce « bâtard sans honneur » aurait tendance à s’acoquiner. Mais cette étymologie est incertaine, comme celles qui mènent à coq, coquille et coquillard. Ce dernier ayant été un faux pèlerin arborant la coquille de Saint Jacques pour tromper ses victimes.
Le cuistre, lui, fut d’abord un valet d’église, un bedeau. Il est devenu ensuite un homme pédant, ridicule et vaniteux. Les Diafoirus ou le maître de philosophie de Molière dans Le Bourgeois Gentilhomme en sont des exemples. Cet homme dénué de savoir-vivre fut donc initialement valet de cuisine, marmiton et…praegustator cocinae, soit goûteur.
Ce dernier participe à cette drôle de cuisine qui consiste à goûter sans pouvoir déguster, comme le boute-en-train excite la jument sans pouvoir la monter.
Cuistre
Le cuistre fricote avec le paltoquet rustre) qui dérive lui-même du paletot, « manteau d’homme », et, en cuisine le paletot de canard ou d’oie estce qui reste de l’animal après avoir enlevé le foie gras. Ajoutons que le mot paletot, d’origine anglaise, a été réemprunté par l’anglais au français, et qu’il a désigné un justaucorps espagnol. La langue est une permanente cuisine du monde.
Les excès de l’Abbaye
Et puisque de nourriture il est question, voici ce qu’écrivait Saint Bernard de celle qui s’appréciait à l’Abbaye de Cluny en son temps. Il n’était pas question que de nourriture spirituelle.
« Les plats se succèdent. Pour vous dédommager de la viande, la seule chose qui vous soit interdite, on vous présente deux services d’énormes poissons. Mais si, après avoir bien mangé des premiers plats, vous touchez aux seconds, il vous semblera que vous n’avez pas encore mangé du tout. Les cuisiniers mettent tant d’art et de soin à les préparer que, après quatre ou cinq plats, les premiers ne font point tort aux nouveaux. On est rassasié mais l’appétit ne faiblit pas. Le palais, séduit par de nouveaux assaisonnements, oublie peu à peu ceux qu’il connaît, et, comme s’il était à jeun, ne retrouve toute sa sensibilité qu’au contact de condiments exotiques. »
Pour en arriver à…
Pourquoi toutes ces circonvolutions étymologiques ? Parce que se nourrir n’est pas seulement une fonction vitale. C’est aussi une pratique culturelle, sociale et même politique. C’est ce que vont illustrer quelques textes formant un récit intitulé « La Halte de l’Abbaye ». Ils sont nés réellement à La Halte de l’Abbaye, à Cluny. Les propriétaires de ce restaurant les ont lus, en ont ri. Les mots et les plats se sont entrecroisés. Le restaurant a depuis été repris par d’autres. Verba volant, scripta manent.