La maison nue

La maison nue

15 avril 2025 0 Par Paul Rassat

Avec La maison nue Marion Fayolle invente une poésie profondément humaine.

«  Je vous en veux d’avoir usé chaque mot…Laissez-moi imaginer que je cueille un peu en chacun de vous. » Et l’auteure de composer un bouquer d’images, de mots, de personnes, de poésie.

L’expression de Marion Fayolle est originale, unique, et originale parce qu’elle remonte à l’origine du sens. Ses images sans texte inventent un langage par combinaisons en un mouvement qui inclut la pensée. On cherche souvent la métaphore qui se cacherait derrière le dessin. En vain. La forme, le fond, le dit et le montré forment un ensemble insécable. D’où, pour le lecteur, un résultat désarmant, évidence et mystère mêlés.

Le dessin n’illustre pas. Le texte vit de sa relation au dessin et inversement. Ce serait donc ça, la création ? Création qui plonge dans une humanité particulièrement sensible. La narration deviendrait presque secondaire. Déconstruire, décomposer, recomposer par morceaux, par compréhension sensible, tâter le monde physique par les sensations, les émotions, les sentiments, telle semble être la démarche de Marion Fayolle, le mouvement qui l’anime, sa nécessité intérieure. Comprendre le monde. Le prendre avec soi . Le faire sien sans se l’approprier. En vivant du même pas, trot, galop que lui.

Muybridge a consacré sa vie à la photographie pour montrer qu’un cheval au galop vole pendant une fraction de seconde. Genis Rigol reprend l’image du galop et souligne dans Brunilda à La Plata le besoin de ne pas tout comprendre, l’importance du mystère alterné et associé à la compréhension du monde. La poésie, en somme.

C’est à ce mouvement hors du temps que nous convie Marion Fayolle. Ses chevaux en liberté quittent les pages du livre pour réhabiter les grottes de la préhistoire. Les traits qui animent toute une page sont-ils la houle, nuages, montagnes ? Tout se mêle en ce mouvement qui réunit nature et psychologie. Humanité.

« — Mais le cheval à l’œil blanc, qu’est-ce qu’il va devenir ?..Tu ne veux pas le garder ? — Quand ils sont aux ordres, je crois que ça m’ennuie. »

Se pose la question principale : sommes-nous constitués d’un assemblage de parties, de composants, d’organes ? Sommes-nous les parties d’un tout ? Quel rôle joue le détail dans l’ensemble ? Quel rôle joue l’autre par rapport à nous et dans notre relation au monde ?

« — Tu crois que j’ai besoin d’un intermédiaire pour éprouver le monde ? Que sans livre, sans cinéma, sans toi je ne peux goûter la vie ?…Alors que toi, tu refuses de me visiter sous prétexte qu’il faudrait ensuite aussi m’inviter chez toi. »

Regardons-nous le monde? Le monde nous regarde-t-il? N’existons-nous que dans cette double relation?