Le piment et le pigment

Le piment et le pigment

17 juin 2024 Non Par Paul Rassat

Arte propose une étude passionnante du tableau de Diego Velasquez Le Christ dans la maison de Marthe et Marie. C’est un remarquable travail d’analyse et d’érudition. De la réalisation d’un plat sévillan montré en peinture, on peut tirer un commentaire particulièrement savoureux. Celui-ci tisse tous les fils possibles à partir du tableau de Velasquez. Retenons celui qui rapproche les mots piment et pigment, tous deux dérivés du latin pigmentum.

Un nouveau monde dans chaque œuvre d’art

Voici les premiers mots de l’analyse réalisée pour Arte : «  C’est l’histoire d’un tableau de 1618 qui raconte la découverte du Nouveau Monde. C’est l’histoire des guerres et des crimes qu’il a fallu commettre pour le conquérir. L’histoire invisible des mélanges, des expériences et des inventions qui ont permis de le conserver. C’est l’histoire de l’art dans laquelle les véritables acteurs ne sont pas à la cour mais dans une cuisine. »

L’atelier-cuisine

L’atelier d’un artiste est une cuisine qui permet, à chaque réalisation, la découverte d’un nouveau monde. Au début du 18 ème siècle, le piment est une nouveauté en Europe. Les peintres y fabriquent leurs pigments comme les cuisiniers réalisent leurs mélanges dans le pilon. La démarche est la même, artisanale, expérimentale afin de donner du goût au monde. La recette qu’évoque le tableau de Velasquez est celle d’une peinture en préparation.

Autoportrait

L’analyse d’Arte nous dit que ce tableau illustre la notion de transmission. La cuisinière âgée transmet son savoir à la plus jeune. Elle nous dit aussi qu’à y regarder de près la cuisinière la plus jeune a les traits de Diego Velasquez, que la plus âgée représente son maître. L’art, l’artisanat, la transmission se retrouvent ainsi confiés à l’intérieur de la toile et au regard du spectateur. Toute véritable œuvre d’art est une construction de l’artiste : construction de soi par l’intermédiaire de l’œuvre qui continue de se construire dans le regard des spectateurs qu’elle enrichit. Le jeu de miroirs du tableau de Velasquez en témoigne.