Le temps

Rencontre avec le temps.

_ Merci de nous accorder quelques instants.

_ J’ai tout mon moi-même à vous consacrer.

_ Dans ce cas, je serais éternel.

_ Vous seriez donc moi-même, ou Dieu, ce qui est effectivement impossible.

_ Vous-même m’étant compté, je me vois obligé de vous poser ma première question : quelles relations entretenez-vous avec l’espace ?

_ De bonnes relations. Nous sommes intimement liés au point que vous mesurez vos déplacements soit en espace, soit en moi-même.

_ Que pensez-vous des efforts que font les humains pour vous mesurer ?

_ Ils se mesurent ainsi eux-mêmes. Montres, horloges, pendules sont d’amusants objets décoratifs. Le coucou suisse est certainement le plus drôle, d’autant plus qu’il est d’origine allemande. Confier la mesure de moi-même à l’apparition d’un oiseau quand on sait ce que le petit oiseau signifie. « Le petit oiseau va sortir », comme si on voulait me prendre en photo ! C’est trop drôle.

_ Vous avez le sens de l’humour.

_ Je n’aime pas m’ennuyer. Pour passer moi-même, qui ne passe pas, j’apprécie un sourire ici ou là. Vous remarquerez au passage que « ici ou là » relève autant de l’espace que de moi-même. Je m’amuse aussi très volontiers de la confusion que vos médias entretiennent entre la météorologie et moi-même quand on annonce le « temps » qu’il fera.

_ Vous échappez à l’entendement humain.

_ Parce que, pour moi, la seule mesure est la démesure, l’absence de mesure, alors que vous avez la prétention de me transformer en argent, en petites ou grosses coupures de moi qui suis continu , insaisissable !

Allez donc voir l’espace et donnez-lui le bonjour de ma part. Il est juste là, en moi, et moi en lui.

_ Et moi en vous ?

_ Hé, vous commencez à comprendre !