Le zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc
24 juillet 2025Dans Le zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc Eugen Herrigel livre l’essence du zen. Pour celui-ci nos réalisations concrètes ne sont pas le véritable objectif : reliant le corps et l’esprit grâce à l’absence d’ego, elles nous permettent de nous réaliser. On comprendra ainsi le malaise de nos civilisations modernes qui visent toujours un but extérieur à nous-mêmes. En deçà de nous-mêmes : le profit, le rendement, le désir manipulé par la publicité et la société de consommation. Le tout amplifié par l’injonction à être nous-mêmes. « Vous en avez rêvé, Sony l’a fait. » Et si vous n’en aviez ni rêvé ni besoin, nous allons vous en faire rêver. C’est notre métier. « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Patrick Le Lay, PDG de TF1 ( 2004)
Depuis 2004, le temps de cerveau disponible est devenu supérieur aux capacités de nos cerveaux. Ceux-ci fonctionnent en pilotage automatique à distance. D’où l’intérêt de revenir au livre d’Eugen Herrigel.
Extraits du livre de Eugen Herrigel
« La nature mystérieuse de cet art se révèle uniquement dans ce combat de l’archer contre lui-même…l’archer se vise et…cependant il ne se pointe pas, et…parfois il peut s’atteindre sans se toucher.
Ainsi il vise et est la cible, il tire et il est touché à la fois…L’art est dépouillé de son art, le tir cesse d’être un tir, le moniteur devient élève, le maître redevient un débutant, la fin devient le commencement, et le début est achèvement. »
« Un jour, alors que je venais de tirer, le Maître s’inclina profondément puis interrompit l’enseignement. « Quelque chose vient de tirer ! » s’écria-t-il… Cette fois, vous vous teniez complètement oublieux de vous-même, sans aucune intention dans la tension maxima, alors, comme un fruit mur, le coup s’est détaché de vous… »
« Takuan nous dit… » pour toi, il n’ya partout que le vide de toi-même ; l’épée que tu as tirée, les bras qui la conduisent, mieux encore, même l’idée du vide a disparu…D’un tel vide absolu naît le plus merveilleux épanouissement de l’acte pur. »
Extraits de la préface due à Daisetz T. Suzuki
« Si l’on veut vraiment maîtriser un art, les connaissances techniques ne suffisent pas. Il faut passer au-delà de la technique, de telle sorte que cet art devienne « un art sans artifice », qui ait ses racines dans l’Inconscient.
Dans le cas du tir à l’arc, celui qui lance et celui qui reçoit ne sont plus deux entités opposées, mais une seul et même réalité…Dès que nous réfléchissons, délibérons, conceptualisons, l’inconscience originelle se perd et une pensée s’interpose…Le calcul qui est faux-calcul s’en mêle. Tout le tir à l’arc en est faussé… L’homme est bien un roseau pensant , mais ses plus grandes œuvres se font quand il ne pense ni ne calcule. Il nous faut redevenir « comme des enfants » par de longues années d’entraînement à l’art de l’oubli de soi… Lorsqu’un homme est parvenu à cet état de développement « spirituel »…Ses mains et ses pieds sont les pinceaux ; l’univers entier est la toile sur laquelle il peint sa vie pendant 70, 80 ou même 90 ans. Ce tableau s’appelle « l’histoire ». Hôyen de Gosozen disait : « Voici un homme qui verse la vacuité de l’espace dans une feuille de papier, les vagues de l’ océan dans un encrier et le mont Sumeru dans un pinceau… »
Daisetz T. Suzuki précise que cet état d’esprit est ce qu’on nomme satori.