Mannequin d’un soir, espoir

Mannequin d’un soir, espoir

29 septembre 2025 0 Par Paul Rassat

Rencontre avec Michèle, mannequin d’un soir, qui a discrètement illuminé de sa présence le défilé caritatif du 26 septembre à l’Impérial d’Annecy. Le Club Soroptimist voyait ainsi son nom doublement justifié : optimisme et dimension internationale.

Michèle, pour quelle raison avez-vous défilé ce soir ?

Je suis Canadienne québécoise, ici en vacances. Je suis venue voir ma copine d’enfance qui habite ici depuis 35 ans. Puisqu’elle participait à la soirée, elle m’a proposé d’y participer avec elle. «  Pourquoi pas ? » Le cancer, ça me touche parce que j’ai connu des amies pendant la période où j’ai eu un accident de moto et perdu une jambe.

Vous avez choisi de défiler sans dissimuler votre prothèse.

C’est un choix réfléchi que m’a conseillé ma prothésiste. Si je ne le faisais pas maintenant, ce serait de plus en plus difficile. Elle m’a dit que si je voulais me sentir libre de m’habiller à mon aise pendant les périodes estivales, par exemple, c’est maintenant ou jamais. Mon accident remonte à 10 ans hier. C’est pour cette raison que je suis venue voir mon amie. J’ai toujours la nostalgie de cette journée-là. Je ne voulais pas la faire vivre à mes enfants, à ma famille, à ma mère. J’ai appelé Manon pour lui dire : «  Est-ce que tu es libre ? J’ai besoin de changer d’air. «  Elle m’a répondu : « Viens-t-en, on va faire ça autrement ; on va voir des gens… »

Lorsque j’étais en réadaptation, il y avait plusieurs femmes qui avaient perdu leurs jambes à cause de tumeurs cancéreuses. J’ai perdu des copines avec lesquelles nous avions élevé nos enfants ensemble. Elles sont mortes de cancers féminins. Lorsque Manon m’a proposé, j’ai accepté tout de suite.

Maintenant que vous avez défilé, qu’en retirez-vous ?

Je ne voulais pas décevoir, ralentir, risquer de tomber. L’enjeu était de ne pas attirer l’attention sur moi, d’être avec les autres. Et je suis contente qu’on m’ait accepté.

Une grande carrière de mannequin vous attend.

À soixante ans ! (rires). J’aime essayer de nouvelles choses. Je n’ai plus rien à perdre. Je monte à cheval, je fais du parachutisme, du ski nautique…

Certaines choses que vous n’auriez peut-être pas faites sans votre accident.

Honnêtement, je ne sais pas. Auparavant, j’étais mère. Mes fils faisaient du ski de compétition ; je travaillais à l’extrême avec mon ex mari. Mon temps était complètement consacré à ma famille, à mon travail, à mes amis. Je n’aurais peut-être tout simplement pas eu le temps d’essayer autre chose. Mes enfants étaient devenus adultes, mon mari n’était plus là, je me trouvais en réadaptation avec des amies qui avaient beaucoup d’énergie. Elles m’ont proposé de les accompagner, et j’ai accepté.

Ce sont les rencontres, l’énergie partagée qui vous ont entraînée.

Oui ! On se reconnaissait, ceux et celles qui voulaient ! Je précise que j’ai eu un traumatisme, pas une maladie comme les malades du cancer. À part celui-ci, je suis en parfaite santé, eux non. Je n’avais jamais vécu de grande épreuve. Il y a eu la rupture après vingt-six ans de mariage : j’étais complètement déstabilisée ; un an après, l’accident ! Ma vie en a été complètement chamboulée, j’ai dû me réinventer en totalité. Je ne pouvais plus être la personne que j’avais été. Je me suis dit : «  À cinquante ans mon père a perdu la vie. Moi j’ai perdu seulement une jambe : qu’est-ce que j’en fais ? » Je peux dire que j’ai eu deux vies : une avant, une après. Que faire de la deuxième ? Ce soir, on m’a donné une chance.