Marion Fayolle, la tendresse de la poésie

Marion Fayolle, la tendresse de la poésie

7 mars 2025 0 Par Paul Rassat

Postillons est un recueil de poèmes écrits par Marion Fayolle, qui réalise aussi des albums BD. C’est donc tout naturellement que Gaëlle, de BD Fugue Annecy m’a fait découvrit les écrits de Marion. Comme il existe une mécanique des fluides, des écoulements, il existe donc une poésie des fluides, des postillons à l’amour. Une mécanique des relations illustrée par quelques lignes volées suivies d’une invitation à découvrir La tendresse des pierres.  

 » Il me semble

que tu as oublié

ton sexe en moi.

Je le sens remuer

Et j’ai du mal à travailler.

Quand viendras-tu

le récupérer ?

***

Elle l’avait si longtemps caressé

qu’il restait de lui sous ses ongles

***

Elle l’avait si intensément embrassé

Qu’il restait de lui entre ses dents.

***

Elle débroussaille,

coupe la routine à ras.

L’attaque à la hache, la broie.

Mais le train-train

ne se laisse pas faire,

il repousse avec des épines,

toujours plus robuste.

Quand elle croit avoir abattu

toutes les habitudes,

elle se retourne,

mais derrière elle,

il faudrait déjà recommencer. »

Mécanique des fluides, des échanges, de ce que l’on garde, du plein et du vide, de la présence et de l’absence. Du presque rien poétique, de ce qui reste quand on a tout oublié ou presque. Poésie à ras du corps, du mot, de soi, de l’autre, qui mêle la parole aux autres émissions du corps.

« Parlez, parlez encore.

Ne faites pas attention à moi,

je collecte vos postillons,

vos éclaboussures.

Ce que vos langues

Jettent sur le bas-côté. »

«  Ne faites pas attention à moi,

sur votre crâne, sur vos épaules,

je ramasse vos pellicules,

toute la sciure de vos pensées. »

La tendresse des pierres

On retrouve cette poésie du corps associée à l’esprit dans La tendresse des pierres. Ce livre n’est pas une BD, pas un roman, pas un roman graphique, pas un recueil de poèmes : il est tout ceci à la fois. Une création véritable, unique comme l’est la relation entre deux êtres. Georges Perec avait écrit La disparition, un lipogramme sans la lettre e. Un hommage à eux, ceux de sa famille disparus dans les camps de concentration.

La tendresse des pierres échappe à tout « narratif ». Toute création décompose et recompose. C’est ce qu’en permanence réalise Marion Fayolle. Elle traite un sujet grave, profond, avec la grâce aérienne de la poésie.