Mesure et musique

Mesure et musique

4 août 2025 0 Par Paul Rassat

 Le 19 juillet, Les Grandes Heures 2025 prenaient la mesure à l’église Notre Dame de Cluny. Celle-ci recèle encore, sur l’un de ses murs, la tuile étalon qui sert de référence à toutes les tuiles traditionnelles du clunisois. Partir de Notre Dame s’imposait donc. Une mesure empreinte de passion, de mouvement. Une longue discussion à bâtons rompus avec Séléna Hollemaert-Awade et Jordan Mouaïssia, soprano et ténor permettait d’apprécier leurs parcours personnels, leur investissement total dans le chant. Un concert est un moment de grâce que portent des efforts permanents, tant humains que techniques. ( Photos © Roger Cripps)

Au cœur de l’Abbaye de Cluny

Les Grandes Heures faisaient halte ensuite au Farinier de l’Abbaye de Cluny. Elles y sont ici chez elles depuis 58 ans. Les Heures deviennent des décennies qui se concentraient d’abord en un Hommage à l’Italie  par le Quatuor Ludwig. On retiendra tout particulièrement Crisantemi de Puccini. Même au cœur de l’été, ces chrysanthèmes ont su transmettre au public toute l’émotion du compositeur.

Culture populaire exigeante

L’enchaînement avec Rêveries et Danses, toujours au Farinier, apportait davantage de simplicité. Peut-être celle-ci était-elle due à la formation en duo composé de Juliette Hurel à la flûte et Gaëlle Solal à la guitare ; aux airs populaires choisis pour cette soirée. Le public, plus familial que lors des concerts précédents, a pu vivre pleinement ce que l’on nomme culture populaire au meilleur sens de l’expression. Il était possible de reconnaître nombre d’airs  alors que la fragilité vivante de l’interprétation touchait personnellement chaque personne du public. Un ami me confiait qu’il aime déguster dans un restaurant un produit simple, qu’il connaît bien mais qu’il redécouvre. Nous redécouvrions  avec Rêverie et Danses des airs que nous connaissons déjà.

Le sens de la conversation

Cette nouvelle proximité avec ces airs vient aussi, certainement, de la complicité entre les deux musiciennes, de leur sens réciproque de l’écoute.

La soirée fut  aussi l’occasion d’une  découverte pourtant tellement évidente. Rassemblez quelques personnes. Demandez-leur de parler en même temps. Le résultat est insupportable, cacophonique. Faites jouer ensemble des musiciens, sur la même composition, avec une part d’improvisation, en solos alternés comme ce fut le cas pour deux airs lors de Rêveries et Danses, résultat ? Une conversation au sens que définit Théodore Zeldin « La conversation ne se contente pas de battre les cartes : elle en crée de nouvelles…De la rencontre de deux esprits naît une étincelle… »

L’art vivant

Cette étincelle a le pouvoir de transmettre au public une part de vie. Celle-ci éclaire tout particulièrement l’expression tellement utilisée : «  On a partagé des émotions. » qui ne prend sens  que quand le public ne se contente pas de recevoir passivement. Lors de cette soirée au Farinier, le cadre chargé d’Histoire, la musique qui nous parlait, la salle détournée de son usage initial, les airs de 7 compositeurs différents venant de 6 nationalités formaient une conversation musicale à laquelle le public a pleinement participé.

La culture ? L’art de la conversation entre des époques, des lieux, des chemins différents qui apprennent ensemble l’harmonie technique et humaine.