Objets, Président , mythologies fugitives
27 juillet 2021« Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et… » à celle de la République par l’intermédiaire de chaque Président de la Cinquième ?
Autrement dit, quel objet pourrait-on s’amuser à rattacher à chacun des Présidents ? Petit jeu réducteur comme on fait réduire une sauce afin d’en renforcer le goût.
La DS Citroën
On appelait volontiers De Gaulle « Le Grand Charles ». Une seule expression rassemblait sa dimension historique et sa taille physique. Par son honnêteté, Charles donnait aussi dans la droiture, la verticalité.
Il semble donc judicieux de lui associer la DS Citroën. Ce bijou de technologie de l’époque à la robe carrossée sauva la vie de Charles au Petit Clamart. Elle fut en cela une véritable déesse protectrice digne de figurer dans Mythologies de Roland Barthes. « La « Déesse » a tous les caractères…d’un de ces objets descendus d’un autre univers…on s’intéresse moins en elle à la substance qu’à ses joints. On sait que le lisse est toujours un attribut de la perfection parce que son contraire trahit une opération technique et tout humaine d’ajustement : la tunique du Christ était sans couture… »
Métaphore du suppositoire
À la verticalité de Charles entrant dans l’Histoire, elle ajoutait en un équilibre parfait sa ligne horizontale superbement aérodynamique. Elle était métaphore du suppositoire pénétrant l’Histoire. Certains trouvent osée cette image ? Rappelons-leur la libération que représenta le film Les valseuses. Gérard Depardieu, au volant d’une DS, y demande à Patrick Dewaere « Tu les sens les coussins d’huile sous ton cul ? Dis, tu les sens ? » Après l’orgasme de la Libération, Les valseuses libéraient l’orgasme féminin.
La cigarette
Après Charles, il y eut Georges, qui n’allait pas sans Claude dans le sens de l’art contemporain. Les tableaux de Vasarely procuraient le même effet qu’un bon pétard alors que Georges faisait la promotion de l’artiste et que le côté bio du joint ne permettait pas à celui-ci d’entrer officiellement dans les circuits de production et de distribution. Georges devint même le Centre de l’art contemporain.
Il semble cependant plus pertinent de lui associer la cigarette et sa gestuelle dont les arabesques contrebalançaient l’air austère que la fixité de ses sourcils épais lui donnait. On le revoit proposant à Claude « Une cibiche, bibiche ? » ce qui donnait un air débonnaire à cet austère agrégé de Lettres et non de grammaire.
La chaise
Valéry inaugura-t-il la politique de la chaise vide ? Non, mais il la remit à l’honneur lors de l’allocution télévisée par laquelle il disait adieu aux Français, quittant l’écran et y laissant pendant un long moment l’image d’une chaise vide, soulignant à sa façon que, si le silence qui suit du Mozart est encore du Mozart, l’empreinte postérieure de Valéry Giscard d’Estaing demeure indélébilement sur le siège qu’il a quitté, marquant à jamais l’Histoire de la France.
Le chapeau
François fut un homme à livres et à femmes, ces dernières n’étant pas tout à fait des objets comme les autres ( cf le dictionnaire de Furetière). Il restera cependant dans l’Histoire pour son chapeau. Antoine Laurain en a fait un roman duquel on a tiré un film. On apprend sur Internet que le chapeau de Mitterrand est de forme Homburg, avec bords relevés et que vous pouvez avoir le même pour 195 euros.
Il est amusant de noter que le chapeau est indissociable de la silhouette de François Mitterrand qui refusa de le porter dans certaines affaires qu’on lui prête.
Le sac à main
Bien étrange est le cas de Jacques Chirac, lui aussi homme à femmes, qu’on surnommait « Cinq minutes, douche comprise ». Les mauvaises langues disaient « Trois minutes, douche comprise. » Ainsi, celui qui déclara « Ça m’en touche une sans faire bouger l’autre », homme à femmes, à tête de veau, à bière Corona, paraît-il, avait-il épousé Bernadette qui, partout un sac à la main se rendait, tenant à bout de bras cette poche, métaphore de l’utérus, représentation affirmée de la féminité maternante. D’une certaine manière, Jacques est le fils de Bernadette ; c’est en tout cas ce que nous dit le sac à main de celle-ci et Aragon lorsqu’il déclare que « La femme est l’avenir de l’homme. »
La panoplie
Tout petit, Nicolas voulait une panoplie de Président de la République parce qu’il croyait que la panoplie faisait le personnage. Qu’advint-il ? Le père noël ne trouva pas la panoplie ad hoc dans sa hotte et la remplaça par l’équipement bling bling, jet set, vaguement m’as-tu vu si tu m’as pas vu je repasse, qui brille dans l’œil du pauvre péquin forcément jaloux du clinquant.
Mais que radvint-il ? Nicolas devint le sixième Président de la cinquième République sans se rendre compte qu’il ne portait pas la bonne panoplie, même s’il était équipé du fameux bouclier fiscal. Les talonnettes, la montre étincelante et le téléphone portable ne le protégèrent pas des coups du destin (« Père, gardez-vous à gauche, père, gardez-vous à l’extrême droite…). La panoplie ne fit pas un pli, pas plus que Nicolas Sarkozy lors des préliminaires à main droite pour les élections présidentielles.
Le casque
S’il n’a pas relancé l’économie de la France autant qu’il l’aurait souhaité et a dû porter le chapeau de cet échec, François Hollande a relancé une mode, celle du casque et du fameux « Sortez casqué ! »
Cet attribut divin n’est pas sans rappeler Athéna, qui naquit armée et casquée de la tête de Zeus. Celui-ci souffrait d’un fort mal de crâne et, comme le Paracétamol et l’Aspirine n’existaient pas à cette époque reculée, il demanda à Héphaïstos, dieu du feu, de la forge et d’autres petites choses, de lui ouvrir le crâne. En sortit Athéna, le casque sur la tête, la lance à la main. Autant de similitudes avec le Président François Hollande. L’expression Athéna Nikè signifie « Athéna Victorieuse », ce qui aurait dû être de bon augure pour notre Président si l’on pousse la comparaison sur le chemin des supputations.
La trousse à maquillage
Il est encore trop tôt à l’heure où sont écrites ces lignes, pour désigner de manière définitive un objet qui représenterait fidèlement le Président Macron et son action. On ne peut nier qu’Emmanuel soit dans le parler vrai, parfois même provocateur, ni dans le désir de passer par-dessus les clivages droite//gauche. Comme De Gaulle, Manu désire gouverner au-dessus des parties. Certains souhaitaient qu’il portât à gauche, d’autres lui reprochent de porter trop à droite. Sur photo – et c’est sans doute tant mieux pour Manu – on ne peut pas trancher.
Côté peuple de France
Pendant ce temps, le peuple de France passait du pavé de rue au pavé de saumon et d’élevage version grande surface et grande consommation. Lui succéda le fameux bol de l’expression « J’en ai ras le bol ». Vinrent ensuite le gilet jaune et le masque à la grimace.