On communique

On communique

17 août 2025 0 Par Paul Rassat

A — On communique, dis ? On échange ?

B —  Pour dire quoi ?

A — Pour le plaisir de dire quelque chose même si on n’a rien à dire. Surtout si. Et puis, on s’écoute ne rien dire avec bienveillance. Parce que l’écoute bienveillante permet aux autres de dire n’importe quoi. Ce qui permet en retour de dire n’importe quoi à son tour dans les meilleures conditions d’écoute bienveillante.

B — Mais est-ce qu’échanger sans échanger quelque chose permet de changer le monde ?  De se changer soi ? Ce serait bien, non, de changer ?

A — À condition de ne pas tout changer d’un coup, parce qu’on serait tellement changés nous-mêmes qu’on n’aurait pas conscience qu’on a changé. ON aurait changé pour rien, finalement, puisqu’on ne s’en rendrait pas compte. Faire un truc qui n’est pas visible, ça vaut rien.

B — Et faire un truc visible qui ne vaut rien, ça vaut quoi ? Est-ce qu’échanger suffit pour dire quelque chose ?  Faut-il dire quelque chose pour s’exprimer ?  Le silence peut être expressif. Une gifle, un regard, un geste obscène, un baiser. Un dialogue de sourds.

A — Je me tais, donc, mais je n’en pense pas moins. Et comme celui qui peut le plus peut le moins et que les opposés sont liés, comme je n’en pense pas moins, je n’en pense pas plus. C’est plus ou moins ce que je voulais dire. Est-ce que j’y suis arrivé ?

B — On est loin de Tchouang-tseu.

A — Tchouang-tseu ?

B — Pour qui le corps et l’esprit associés répondant à une nécessité interne créent, et en créant nous rendent libre.

A — Ben alors !

B — Le corps et l’esprit réunis font de nous des individus entiers. Indivisibles. La nécessité interne est personnelle. La création vient de cette nécessité interne, intime, mais une fois aboutie, elle se partage avec les autres. Et elle offre la liberté d’être soi avec les autres. Et paf !

A — Si tu es indivisible, tu n’as pas besoin d’être visible. Et si chacun est visible, pas besoin de se montrer.

B — L’échange est permanent, tu communiques ce que tu es.

A — Comme un artiste, tu es ta propre matière. Tu te façonnes.

B — Tu communiques ce que tu es, dans un échange permanent.

A — Olé !