Opinion publique
16 octobre 2025Opinion : « Manière de penser sur un sujet ou un ensemble de sujets, jugement personnel que l’on porte sur une question, qui n’implique pas que ce jugement soit obligatoirement juste. »
Public ( adjectif)
« D’État, qui est sous contrôle de l’État…Qui concerne tout un peuple, l’ensemble de la population…Qui est connu, notoire…Qui est général, commun à tous. »
Voici ce que dit le dictionnaire des mots opinion et publique. Si l’opinion est un jugement personnel, comment en faire un élément de pensée qui est commun à tous » ? C’est impossible sans tricher plus ou moins.
Trois tiers
Dans L’art de ne pas dire n’importe quoi Jordan Ellenberg illustre cette contradiction. Transposons sa démonstration. Un tiers de l’électorat pense qu’il faut traiter le problème du déficit budgétaire en augmentant les impôts sans aucune coupe budgétaire. Un autre tiers pense qu’il faudrait réduire le budget de la Défense. Le reste pense qu’il faudrait faire des coupes drastiques dans la Santé.(Remplacez à votre guise le Défense et la Santé par d’autres thèmes, ceci n’est qu’un exemple). Deux personnes sur trois veulent des coupes budgétaires. Où effectuer ces coupes ? Dans la Défense ? Deux tiers y sont opposés. De même pour des coupes dans la Santé.
Concilier la cohérence et l’absurde
« C’est la position contradictoire que nous retrouvons régulièrement dans les sondages : nous voulons réduire les dépenses publiques ! Mais nous voulons aussi que chaque programme conserve la totalité de son budget !…Ce n’est pas que les électeurs soient stupides ou irresponsables. Chaque électeur a une position politique parfaitement cohérente et rationnelle. Mais quand on agrège ces positions, on aboutit à une impasse absurde… « La majorité décide » est un système simple et élégant qui paraît juste, mais qui n’est vraiment efficace que lorsque nous avons le choix entre deux options seulement. »
Manipuler l’opinion ?
Efficace lorsqu’il n’y a que deux options ? À voir. La question proposée lors du référendum de 1969 était : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat ? » Le bon sens eût consisté à répondre OUI, la réponse fut NON pour se débarrasser du général de Gaulle. Et il arrive que lorsque le peuple répond vraiment à la question posée on ne tienne pas compte de son opinion.
C’est là que se situe l’importance vitale des débats politiques dans les médias, surtout les soirs et lendemains de scrutins. Nos représentants ou aspirants représentants expliquent aux citoyens ce qu’ils ont voulu exprimer en votant. « Je vais vous dire…Moi je pense que ». De nouveau s’exprime une opinion personnelle qui voudrait traduire l’opinion publique.
Le quatrième tiers
Revenons au raisonnement de Jordan Ellenberg. La politique devrait fonctionner comme la recette du Picon que César donne à Marius :
César — « Tu mets d’abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c’est joli. Et à la fin, un GRAND tiers d’eau. Voilà.
Marius — Et ça fait quatre tiers.
César — Exactement. J’espère que cette fois, tu as compris. »
En politique, le quatrième tiers absolument indispensable, c’est la confiance.
L’indispensable qui ne se perçoit pas
Le compositeur Bernard Cavanna explique : « La Cinquième de Beethoven « Sol, sol, sol, mi. Fa, fa, fa, ré. » N’importe quel étudiant chargé d’orchestrer ça va mettre les violons, les altos, les violoncelles à l’unisson des altos. Mais dans l’orchestration originale, il y a une clarinette que personne n’entend. Elle est là pour souder l’ensemble. On n’entend que les cordes, mais si on retire la clarinette, il y a une chose qui manque. C’est souvent le cas de la harpe dans un orchestre. On ne l’entend pas mais si tu la retires, elle manque. » Si on retire la confiance, elle manque à l’ensemble.

