Prendre

16 août 2024 Non Par Paul Rassat

« Léon Marchand a pris la médaille d’or et le record olympique » déclare cette journaliste de la télévision. Il aurait pu remporter la médaille, battre ou améliorer le record. Mais non, Léon a pris ! On prend, on s’empare, on s’accapare, on fait sien, s’approprie. Et dans le même temps on partage, on inclut. Nous naviguons sans cesse dans des courants contradictoires. Il faut d’ailleurs relever l’ambivalence du verbe prendre. Il signifie aussi bien cueillir, capturer que recevoir. Le boxeur a pris une pluie de coups, il en a pris plein la gueule. Le voleur a pris tous les bijoux.

Connotation « capitaliste » du verbe prendre.

Il est d’autant plus difficile de lâcher prise que tout notre système social, culturel, politique, économique et moral repose sur l’idée de prendre dont la connotation est le plus souvent positive.

Par tous les bouts

Il faut prendre ses responsabilités et son envol, le taureau par les cornes. Prendre son pied, la 1°, 2°ou 3° place (et ne plus la remporter), prendre la tête, prendre sur soi, prendre aux autres pour s’enrichir. Certains vont même jusqu’à conseiller de prendre les femmes par la chatte et se voient élus des USA sinon de Dieu.

Il y a bien sûr quelques contre exemples. Prendre la poudre d’escampette en est un, mais prendre évite généralement de se relâcher, de relâcher ses intestins qui sont pourtant, paraît-il, notre deuxième cerveau. Alors on finit par se prendre la tête.

Savoir lâcher

Le lâcher est considéré comme tout proche du relâchement. Et pourtant ! Les lâchers de ballons et de colombes évoquent si bien la liberté et la paix !

Le lâcher prise le plus difficile concerne vraisemblablement le pouvoir. Les photos du général de Gaulle sur les plages d’Irlande traduisent une profonde solitude. Giscard et la chaise vide en plan fixe pour son départ de l’Élysée ! Sarkozy tentant de tirer les ficelles dans les coulisses de la droite, encore et encore au point qu’on ne savait plus à quel bout des ficelles se trouvait la marionnette. Les uns et les autres donnant des conférences pour continuer d’exister.

Se lâcher

On peut aussi prendre son temps, des chemins de traverse, lâcher la grappe, lâcher les baskets et se lâcher pour devenir plus léger, plus inventif. Pour s’inventer. Se prendre par la main et s’envoyer promener pour voir ailleurs si on y est. Et c’est celui qui le dit qui y est ! Dans le genre « Chérie, j’ai réduit le langage ! », citons aussi l’emploi du verbe mettre. Entendu en commentaire des J.O « Ça vous met un frisson incroyable ».

Petite histoire pour prendre le large

Un usurier est emporté par le courant. Sur la berge, de nombreux promeneurs : — Donnez votre main. En vain. Jusqu’à ce qu’un promeneur crie : — Prenez ma main ! et lui sauve la vie.